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Les femmes de Stepford

Les femmes de Stepford est un roman d’Ira Levin (1972), adapté à au moins deux reprises au cinéma ou à la télévision, et qui décrit une ville imaginaire (Stepford, que l’auteur situe dans le Connecticut) où les femmes sont réduites à un rôle de très belles potiches préoccupées uniquement par leurs tâches ménagères et l’agrément de leurs époux.

Je n’avais plus relu cet ouvrage (bien que j’apprécie beaucoup Ira Levin, à qui nous devons également (entre autres) un Bonheur Insoutenable ou un bébé pour Rosemary, (ce dernier plus connu en Europe en raison du film qu’en a tiré Roman Polanski) depuis au moins quarante ans. Il a fallu les récentes décisions de la Cour Suprême des Etats-Unis pour engendrer les associations d’idées m’ayant conduit à me remémorer cet ouvrage. La Cour Suprême a en effet retiré aux femmes la garantie du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) conférée par l’arrêt Roe v. Wade en 1973 par cette même Cour Suprême. L’argument utilisé (en substance, c’est que ce n’est pas le rôle de l’Etat Fédéral de statuer sur cette question) remet en question un droit conféré aux femmes américaines depuis une cinquantaine d’années, et laisse craindre d’autres décisions allant dans le même sens; onze Etats ont d’ailleurs immédiatement mis en vigueur des lois anti-IVG préparées de longue date. Dans la même logique, la Cour Suprême pourrait renoncer au droit à la contraception ou à la dépénalisation des relations homosexuelles, par exemple.

Il s’agit d’une victoire importante pour le clan républicain conservateur, celui-là même qui a élu Donald Trump à l’époque. Donald Trump avait renvoyé l’ascenseur en élisant trois juges ultra-conservateurs à la Cour Suprême, faussant ainsi le processus démocratique (mais il a fait bien pire par la suite !). Les Etats-Unis apparaissent de plus en plus divisés entre une frange technocratique essentiellement démocrate contrôlant les côtes Est et Ouest ainsi que le secteur des Grands Lacs, et un centre et des Etats du Sud très conservateurs, religieux et persuadé que la théorie de l’Evolution selon Darwin constitue un blasphème.

Cette scission, manifeste lors des élections présidentielles, semble se creuser de plus en plus, faisant craindre à certains une nouvelle sécession. On ne peut que souhaiter que les femmes s’insurgent enfin contre les pertes de droit auxquelles elles sont soumises par les conservateurs, ce qui permettrait éventuellement de rétablir une majorité plus évidente, et accessoirement éliminerait quelques politiciens traditionalistes. Ces mêmes dirigeants politiques qui disent agir selon une inspiration religieuse, au nom de la vie, mais défendent le droit de se promener avec des armes à feu dans la rue et de se procurer des armes de guerre, histoire de faire un carton dans une école ou un supermarché…

Curieusement, alors même que les républicains conservateurs bafouent régulièrement les droits des femmes, un nombre significatif d’entre elles votent néanmoins républicain. Donald Trump méprise et insulte les femmes en public, et récolte néanmoins leurs votes et leur approbation. Ce sont littéralement les femmes de Stepford décrites par Ira Levin, heureuses de la servitude imposée par le mâle. Un rêve pour beaucoup de machos, je suppose.

Incidemment, lors du Journal télévisé en Suisse Romande, des images de manifestations après la décision sur l’IVG par la Cour Suprême avaient fait ressortir une curieuse opposition de style. Une manifestante pour le droit à l’IVG, cheveux ébouriffés, en T-shirt et jeans fatigués avait violemment protesté contre la décision (I’m a woman, not a womb), alors que dans le camp opposé, une blonde platinée, soigneusement maquillée et en robe bleu roi impeccable clamait sa satisfaction de voir la vie et Dieu enfin respectés. L’héroïne (la photographe Joanna Eberhart) du roman d’Ira Levine face à une femme typique de Stepford, en somme.

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Bien sûr, mais…

Je ne sais pas si vous avez déjà expérimenté cette situation, où l’on parle d’un quelconque scandale ou situation violente, et quelqu’un intervient en disant « Oui, bien sûr, mais Machin à l’époque a fait aussi grave, voire même pire« .

Actuellement, un des thèmes de discussion qui se prête le mieux à ce genre de réaction, c’est Vladimir Poutine et la guerre en Ukraine. Enfin, l’opération militaire spéciale de dénazification pour utiliser les circonlocutions du dictateur russe. Vous discutez avec des amis sur cette guerre tout de même relativement proche de nos frontières, et dont nous ressentons certains effets, et vous critiquez l’agression dont s’est rendu responsable Poutine, et très souvent l’un des participants fait remarquer « Oui, bien sûr, mais en Irak, les Amerloques de George W. Bush n’ont pas fait beaucoup mieux« . Et un autre de renchérir « D’ailleurs, il (Bush) l’a dit lui-même« , faisant référence à ce qui devrait constituer le lapsus de l’année 2022. Par ce genre de remarques, l’invasion de l’Ukraine par Poutine se trouve relativisée : puisqu’il y a eu d’autres envahisseurs avant lui, cela devient moins grave. Comme si un crime devenait moins « criminel » simplement par le fait qu’un autre a commis un acte similaire par le passé !

Dans cet exercice, certains sont devenus virtuoses; ainsi, Guy Mettan n’a-t-il pas hésité de parler, sur les ondes de la RTS, de la « paille dans l’œil de Poutine et des poutres dans les yeux des Occidentaux« . On peut comprendre que la russophilie de M. Mettan le pousse à défendre ce cher ami Vladimir, mais parler de paille(s) au sujet de l’agression de l’Ukraine, des crimes de guerre associés, et auparavant du soutien sanguinaire au copain non moins criminel Bachar Al-Assad, voire des actions de mercenaires au Mali, cela ne fait pas sérieux. Et si les Occidentaux ont fait aussi moche, voire pire, cela ne dédouane en aucune manière le dictateur criminel qu’est Poutine ! Tout au plus cela finit il de discréditer M. Mettan et les causes qu’il souhaite défendre.

Si l’on suit ce raisonnement, il me semble que plus rien ne devrait nous étonner ou nous scandaliser : après tout, quoi que fasse un dictateur ou chef d’Etat, on pourra toujours dire « Oui, bien sûr, mais Hitler (Staline, Mao, etc…) ont fait bien pire« .

On peut également étendre ce genre de réaction à d’autres thématiques. Je me demande comment on aurait accueilli, après les attentats de Charlie Hebdo ou les massacres de l’Etat Islamique en Syrie, une remarque du genre : « Oui, bien sûr, mais à l’époque, l’Inquisition d’Isabelle la Catholique a fait bien pire« . Et la Suisse n’a pas échappé à ce genre d’exactions !

Je doute toutefois qu’un juge au tribunal considère avec bienveillance un assassin ou son avocat qui argumenterait « Oui, bien sûr, mais Landru a fait bien pire…« 

Vous aurez sans doute compris que je ne suis pas très enthousiasmé par ce genre de remarque : en fait, cela aurait plutôt tendance à m’irriter. Le passé peut parfois expliquer le présent, mais non pas l’excuser ni le justifier. Une action criminelle n’a pas à être relativisée ou justifiée, mais simplement jugée, indépendamment d’éventuelles actions, peut-être similaires, qui ont pu avoir lieu par le passé.

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CHF 2 000 000 000

Une motion émanant surtout de partis de droite (et soutenue par le Conseil Fédéral ) veut majorer le budget de la défense nationale suisse de 2 milliards de francs d’ici 2030. L’argument est de se protéger contre des agressions étrangères à l’exemple de l’agression russe en Ukraine. Malgré la situation préoccupante, on se demande tout de même qui seraient ces vilains étrangers qui souhaiteraient venir nous envahir. La Russie semble peu susceptible d’agression envers la Suisse, car pour parvenir à nos frontières, il faudrait commencer par vaincre l’OTAN, et même si cela ne semble pas impossible, cette éventualité rendrait assez symbolique les hypothétiques volontés de résistance suisse.

Alors qui ? La France de Ramene Ta Peine à l’horizon 2030, décidée à annexer la Suisse Romande pour raison de compatibilité culturelle ou pour rembourser sa dette russe ? Jean-Luc Méchenlon pour faire plaisir à son copain et modèle Poutine? (J’avais à l’origine utilisé d’autres pseudonymes, mais j’essaie de ne pas sombrer trop dans le grossier…). Je leur souhaite bien du plaisir avec les Valaisans, déjà qu’ils n’arrivent pas à s’entendre avec la Corse…

L’Allemagne du parti «AfD», qui annexerait la Suisse Alémanique et l’Autriche pour des raisons linguistiques et culturelles ? Je vois mal l’Allemagne se reconnaître dans la langue et la culture de la Suisse Alémanique ; le journal télévisé de la ZDF passerait probablement mal en Züritütsch.

L’Italie d’un successeur de Matteo Salvini, décidé à accaparer les ressources en eau du Tessin au profit de la Lombardie ? Mais ils jouissent déjà de ces ressources, alors pourquoi se battre ?

Une autre question que je me pose, c’est ce que deviendrait cette somme de deux milliards attribuée à la Défense Nationale. Un expert à qui on a posé la question sur les ondes de la Radio Suisse Romande s’est montré quelque peu évasif. Après avoir signalé l’obsolescence de certains outils de notre armée, il s’est montré plus hésitant lorsque l’on l’a questionné sur la nature des investissements à prévoir. On aurait pu songer à une flotte de camions à hydrogène, ou un renouvellement du parc de véhicules dans la même optique. Il a finalement parlé de chars de combat à renouveler ; mais je n’ai guère été convaincu. Un char de combat a une durée de vie en engagement réel relativement limitée ; cela me paraît donc cher payé pour un moyen de défense visiblement peu efficace. Une proposition apparemment sérieuse est de retaper les vieux chars de combat « Leopard » dont il reste quelques 100 exemplaires dans une poubelle de luxe quelque part en Suisse Alémanique. Selon les dires de M. Vautravers, colonel, rédacteur en chef de la Revue Militaire Suisse et spécialiste de l’armement, ce char n’aurait rien perdu de sa modernité et resterait actuellement un outil tout à fait efficace et en aucune façon obsolète, voire même très actuel. Un bidule mis en service en 1979 encore d’actualité quarante ans après ? Les dameuses de piste, tracteurs et autres engins agricoles multifonctions se sont massivement équipés en informatique, GPS, algorithmes de mise en réseau des machines pour le travail collaboratif, drones d’accompagnement, capteurs pour analyser le terrain ou la neige, et un char de combat ne disposerait pas de ces outils pour gérer sa progression ? Je n’ai aucune raison de douter des affirmations de M. Vautravers, donc, on peut en déduire que le développement des chars de combat a été abandonné à la fin des années 1970 à l’échelle mondiale, ce qui semble confirmer la vulnérabilité de ce type d’engins en engagement.

Plus généralement, on peut se demander pourquoi les pays s’encombrent encore de chars d’assaut vu la facilité avec laquelle ils peuvent être détruits. Quant à moi, je ne vois qu’une explication possible : c’est pour justifier le fait de s’équiper de défenses antichars. Pas de chars, pas de missiles antichars, donc moins de chiffre d’affaires. Conclusion, il faut persuader les gouvernements et leurs départements militaires à s’équiper de chars de combat, et ensuite on peut leur vendre l’antidote : CQFD. En informatique, on a des programmeurs à Saint-Pétersbourg (et ailleurs) qui travaillent à la fois dans une boîte de logiciels anti-virus et dans une autre boîte plus discrète, souvent gouvernementale, qui fabrique des virus. C’est un peu le même principe.

Il y a pourtant un ennemi qui est en train de nous envahir, depuis pas mal de temps déjà, et qui va très probablement gagner sa guerre à défaut d’une action rapide et massive. Contre cet ennemi, des chars de combat ou des avions aussi sophistiqués soient ils, nourris d’hydrocarbures de la meilleure qualité fournis par Poutine ou autre Mohamed Ben Salmek ne peuvent rien et sont au contraire largement contre-productifs. Je veux parler du réchauffement climatique. C’est un exploit de communication de Poutine qui est parvenu en quelques semaines à étouffer le dialogue de transition énergétique, beaucoup plus efficacement que le COVID ou les Jeux Olympiques sans neige de Pékin. Deux milliards pour l’Armée, c’est deux milliards de moins pour la recherche et pour la transition énergétique: c’est se tirer une balle dans le pied. Les faucons de droite (qui a dit «et les vrais de gauche», au fond de la classe ?) feraient bien d’y songer avant de dilapider l’argent du contribuable dans des joujoux à l’utilité pour le moins discutable, alors que la catastrophe annoncée depuis soixante ans frappe à la porte de l’Humanité.

La seule utilité que je pourrais voir à un investissement de ce genre pour l’Armée en Suisse, c’est pour contrôler les manifestations qui vont probablement voir le jour dans un futur proche, lorsque les ressources alimentaires et énergétiques commenceront réellement à manquer partout dans le monde. Un char de combat, même datant d’il y a quarante ans, reste redoutable en l’absence d’armes antichars. La répression d’émeutes populaires fait aussi partie des missions exceptionnelles de notre armée, et de toutes les armées du monde. Vous vous souvenez ?

Tank Man, Tian Anmen, (JEFF WIDENER / AP / SIPA)

Si la situation se dégrade jusqu’à la pénurie de ressources essentielles, des situations d’émeute vont alors se produire. L’armée pourrait alors se révéler utile : cela s’est produit par le passé, il y a longtemps il est vrai. Verra-t-on un jour une image similaire sur une place dans une ville de Suisse ? L’un ou l’autre de vos enfants ou petits-enfants en sera-t-il un acteur ? Et de quel côté du canon sera-t-il ?

Ne serait-il pas plus sage d’investir dans des moyens qui permettraient d’éviter d’en arriver là en contrôlant, tant que faire se peut, les effets du réchauffement, plutôt que de prévoir d’emblée les moyens de réprimer la colère des citoyens nécessiteux ?

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Obsolescence programmée


J’ai déjà eu l’occasion de parler de mes préoccupations de chauffage à domicile. Ces préoccupations ont été à l’origine motivées par une information en provenance du constructeur de ma chaudière à gaz actuelle, ELCOTHERM pour ne pas le mentionner. En bref, il m’annonçait que la platine de commande de la chaudière ne pouvait plus être réparée en cas de panne car il était impossible de trouver des pièces de rechange pour cette platine (qui se résume à un simple circuit imprimé avec quelques composants électroniques soudés dessus).


Malgré le bon état de la chaudière proprement dite, cela m’avait incité à entreprendre des démarches en vue de passer à un système plus moderne et basé sur des énergies à priori renouvelables, en l’occurrence une pompe à chaleur air-eau qui après expertise semblait constituer la solution la plus appropriée pour mon cas spécifique. Le fabricant de ma chaudière à gaz actuelle, ELCOTHERM donc, a jugé utile de me faire une offre pour une solution de ce type. A cette occasion, je n’avais pas manqué de pointer du doigt l’attitude quelque peu cavalière du constructeur, qui décide de ne plus proposer de remplacement à une simple platine de commande alors que la chaudière proprement dite fonctionne encore de manière optimale. Le représentant du constructeur m’avait alors assuré que les pièces de rechange étaient totalement irremplaçables (« vous savez, l’électronique, c’est si vite périmé, …« ), qu’ils n’y étaient pour rien, que c’était comme ça et que je n’avais qu’à changer ma chaudière. Je lui avais tout de même fait remarquer que son excuse était peu vraisemblable, surtout vis-à-vis de quelqu’un qui n’est certes plus en activité professionnelle, mais qui a tout de même travaillé dans le domaine de l’électronique et de l’informatique pendant toute sa carrière. A l’heure actuelle, redessiner un circuit dont on connaît le schéma est un jeu d’enfant (que l’on donne à traiter à un ordinateur), et l’utilisation de circuits intégrés spécifiques à une utilisation particulière (ASIC, Application Specific Integrated Circuit) et autres PLD (Programmable Logic Device) ou FPGA (Field Programmable Gate Array) ainsi que de systèmes tout-en-un (SOC, System On a Chip) permet de créer un nouveau design en très peu de temps et à peu de frais; mais soit on n’est pas au courant de ces évolutions chez ELCOTHERM, soit on aime bien se moquer des clients. Et en dépit du fait que le constructeur se permette de forcer la main du client pour changer de système, il ne consent aucun rabais sur le système neuf.


Bien évidemment, j’ai choisi en conséquence un autre constructeur et une autre offre, en dépit de l’installateur qui m’avait fait une offre qui semblait raisonnable et qui donnait une certaine impression de sérieux, mais basée sur du matériel provenant d’un constructeur que j’ai jugé peu soucieux de sa clientèle.


Entretemps, la guerre en Ukraine (ou l’opération militaire spéciale de Poutine, si vous préférez) a fait grimper les prix du gaz, et fait craindre à terme pour l’approvisionnement. La demande en pompes à chaleur air-eau a explosé, si bien que les principaux constructeurs ne parviennent plus à suivre la demande. ELCOTHERM, entre autres, est en rupture de stocks. L’un de mes voisins, qui possède le même équipement que moi, s’est vu proposer il y a peu le remplacement de sa platine de commande pour un prix (certes exagéré) de quelques milliers de francs; cette même platine qu’il y a trois mois, on m’avait certifiée irremplaçable.


Bien sûr, nécessité fait loi. Mais apparemment, la nécessité n’est pas la même selon que c’est le client ou le fournisseur qui l’éprouve. La loi non plus, d’ailleurs.


ELCOTHERM n’est pas le premier, et sans doute pas le dernier, à user de l’obsolescence programmée pour tenter de booster ses ventes, à l’image de Apple qui avait été un précurseur dans l’utilisation de ce procédé à large échelle. Pour Apple, cela continue à marcher plutôt bien; je ne suis en revanche pas certain que ce qui fonctionne pour des smartphones (des intelliphones, corrigeraient les Québécois, des bises au Québec !) marche aussi bien pour des systèmes de chauffage. En ce qui me concerne, je ne leur ferai certes pas de publicité, sinon négative.

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Crime de guerre

Le 8 avril 2022, un missile touchait la gare de chemin de fer de la ville de Kramatorsk, faisant plusieurs dizaines de victimes parmi des civils qui attendaient le train pour fuir la région du Donbass en Ukraine. Alors que les pays occidentaux fustigeaient unanimement cette « agression russe » et parlaient de « nouveaux crimes de guerre », les Russes, après un premier communiqué annonçant un bombardement réussi réfutaient toute responsabilité de leur part et accusaient la partie adverse de bombarder ses propres concitoyens. En Suisse, le président de la Confédération a déclaré de manière très péremptoire que c’était à un tribunal de définir si c’était un crime de guerre ou non, et si oui, qui doit être mis sur le banc des accusés, et de quelle manière. Comment botter en touche au nom de la neutralité…

Qu’est-ce qu’un crime de guerre ? Cette question a été posée à maintes reprises dernièrement, et de nombreuses réponses ont été données, toutes renvoyant au droit international de la guerre, régi par des accords entre les nations, des accords dont les fondements datent de la Seconde Guerre Mondiale. Mais en dernière instance, il appartient à un tribunal de qualifier de crime une action de belligérants. Incidemment, il est assez troublant de constater que l’on a mis sur pied une règlementation extrêmement complexe à appliquer de la guerre, mais que l’on n’a jamais envisagé de mettre la guerre hors la loi.

Si les guerres précédentes nous ont abondamment montré que l’être humain est capable du pire et même au-delà, on avait pourtant « oublié » (de fait, la majorité d’entre nous autres, occidentaux se disant civilisés et nés après la fin de la Seconde Guerre Mondiale ne l’ont jamais vécu) qu’un conflit armé est lié à des exactions meurtrières. Le meilleur commandant d’une section de combat aussi expérimentée et disciplinée qu’on peut le souhaiter aura tendance à se muer en machine à tuer motivée par la haine après quelques semaines passées dans la boue, mal nourri sous les bombardements ennemis à transporter des amis blessés ou enterrer des camarades tués au combat. L’armée américaine ne s’est pas comportée de manière très glorieuse à Abou Ghraib, par exemple. En Syrie, les troupes de Bachar Al Assad (déjà activement soutenues par Moscou à l’époque) n’ont guère hésité à frapper (et parfois gazer) leur propres concitoyens : la logique des militaires, de quelque bord soient ils, ne laisse guère de place aux sentiments.

Ainsi, massacrer des civils constitue un crime de guerre. Encore faut-il étudier les conditions dans lesquelles le massacre a eu lieu, et déterminer les responsabilités tout au long de la chaîne de commandement. Si la définition de ce qui constitue un crime de guerre est relativement simple et facile à comprendre, la mise en application de la définition s’avère souvent complexe, voire impossible. Et la définition s’arrête à des exactions commises en situation de combat; il n’est guère question de crime de guerre pour des dommages consécutifs à une situation de conflit; ainsi, priver la population civile d’abris et de subsistance suite à une agression ne constitue pas un crime de guerre, même si la détresse des réfugiés privés de leurs moyens d’existence est bien réelle, et le sort des réfugiés parfois bien aléatoire.

La guerre engendre des destructions, et donc, des réfugiés fuyant les exactions commises par les belligérants. L’Europe (et la Suisse s’est mise à l’unisson, pour une fois, malgré les objections de l’UDC) a choisi d’accueillir généreusement les victimes civiles ukrainiennes. Au fait, vous connaissez la différence entre un réfugié malien et un réfugié ukrainien ? Le réfugié malien parcourt plus de mille kilomètres de désert, puis traverse la Méditerranée sur une coquille de noix, et dans le cas improbable où il parvient en Suisse, il se fait renvoyer chez lui avec les sarcasmes d’un conseiller national UDC habitué de la télévision suisse romande, et accessoirement admirateur des mouvements d’extrême droite français. Le réfugié ukrainien se fait chercher à la frontière polonaise dans un VAN affrété par des Suisses, et reçoit à l’arrivée un permis S, un appartement et les bisous du président de la Confédération en guise de prime d’accueil. Le point commun ? Au départ, c’est le même type de missile de fabrication russe qui a détruit leur maison, tué leurs proches et les a contraints à prendre la route de l’exil. Vaut mieux être ukrainien, blanc et blond aux yeux bleus que… A ce sujet, une de mes connaissances proches me rapportait qu’elle s’était trouvé au café un samedi matin avec des amies et une réfugiée ukrainienne plutôt âgée qui avait un fils en Allemagne, fils qui avait, lui, refusé de l’héberger. Pas si bête, le fils, je suppose ! Pourquoi s’infliger une personne à charge alors que la communauté peut remplir ces bons offices gratuitement ?

Je ne désire absolument pas limiter la dynamique d’accueil des réfugiés en provenance d’Ukraine; mais la compassion n’est effectivement pas la même selon le génotype des personnes envers lesquelles elle s’exerce. Mais le fait que contraindre des personnes non responsables de l’état de fait à abandonner leur maison, leur région, leurs proches pour se lancer dans une fuite hasardeuse ne soit pas considéré comme un crime me laisse perplexe.

En bloquant les récoltes et les capacités d’exportation de céréales d’un pays, l’agresseur condamne indirectement à la famine de nombreuses populations qui dépendaient, parfois cruellement, de ces exportations pour survivre. Faire mourir de faim des gens n’est donc pas un crime de guerre ? Apparemment pas. Mieux même, de nombreux pays d’Afrique souffrent actuellement de manque de céréales (qu’ils avaient coutume d’importer d’Ukraine), mais paradoxalement, ils refusent de sanctionner la Russie pour cet état de fait, bien que cette dernière soit de son propre aveu responsable de cette « opération militaire spéciale » (selon la rhétorique poutinienne, dont la transparence n’est plus à discuter).

Pendant ce temps, la lutte contre le réchauffement climatique est au point mort ou régresse. La pénurie de gaz et de charbon russe va inciter de nombreux pays à réactiver leurs mines de charbon et importer du gaz liquéfié. La flambée des prix du pétrole incite les gouvernements à subventionner les carburants (surtout en période électorale) au lieu de promouvoir le renouvelable. Le dernier rapport du GIEC parle d’un délai de trois ans pour réagir. Il implique une réaction au niveau mondial. Vous croyez franchement que Poutine va installer des panneaux solaires au Donbass l’an prochain, au lieu de batteries de missiles ? La guerre en Ukraine est devenu un facteur retardateur dans la lutte contre le réchauffement climatique. Et pourtant, on n’en avait guère besoin ! Il est possible que dans quelques années, certains gouvernements soient jugés pour crimes contre l’humanité dans un contexte de catastrophe écologique : cela contribuera sans doute à redéfinir la notion de crime à l’encontre de « Homo Sapiens« , si peu sapiens soit-il. Si cela devait se produire, nul doute que les acteurs majeurs de la guerre en Ukraine auraient quelques comptes à rendre !

Le seul véritable crime de guerre, c’est la guerre elle-même.

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Le clown et le dictateur

J’avais une dizaine d’années quand j’assistai à mon premier spectacle de cirque, et que je découvris pour la première fois un clown. C’était lors d’une représentation du Cirque National Knie, qui faisait halte dans le Chablais Vaudois, place des Glariers à Aigle. Le clown ne me fit pas vraiment rire, pour autant que je me souvienne : il me paraissait plutôt inquiétant. Il fallut plusieurs années pour que je comprenne qu’il existe différents clowns, qu’ils peuvent être drôles, tristes, voire maléfiques ou inquiétants. Et que le déguisement ne fait pas le clown : le plus grand clown que j’aie jamais admiré ne se déguisait pratiquement jamais : c’était Raymond Devos, empereur de l’absurde; il a trop rarement été approché par Coluche, prince de la dérision. J’ai aussi appris à faire la différence entre le clown et l’humoriste, même si les deux rôles peuvent à l’occasion être incarnés par une même personne.

A l’époque, on ne parlait pas trop d’histoire aux très jeunes, si ce n’est l’histoire suisse, le serment des Waldstaetten, le Morgarten et tout ce genre de choses. J’appris les exactions du régime nazi un peu sur le tas (il n’y avait pas Internet, à l’époque ; Sergey Brin n’était pas encore né pour développer Google !), sans vraiment parvenir à imaginer la personnalité des protagonistes de cette immense tragédie que constitua le Seconde Guerre Mondiale. La première fois que j’ai réellement perçu l’énormité de ce que peut être un dictateur, c’est à l’occasion de la retransmission d’un vieux film de 1940 à la télévision. « The Great Dictator« , de Charlie Chaplin, me bouleversa profondément et changea durablement certaines de mes conceptions de la société mondiale. D’ailleurs, quand il m’arrive de revoir ce monument du cinéma, je reste effaré par son incroyable actualité. Prenez l’immortelle scène du globe, et mettez aujourd’hui Poutine à la place de Hynkel : il vous sera difficile de réprimer des frissons d’angoisse. Le personnage d’Adenoid Hynkel n’est pourtant pas qu’inquiétant : son discours initial (en un langage incompréhensible, mais remarquablement semblable à des discours d’Adolf Hitler) est comique, drôle même. Ses confrontations avec son homologue transalpin Napoloni sont clownesques. Voilà, le mot est lâché, la dualité entre un dictateur et un clown est illustrée par Chaplin.

Ce film m’incita à m’intéresser à Adolf Hitler et au troisième Reich, ainsi qu’à la seconde guerre mondiale. Si vous faites l’effort d’étudier le personnage au-delà de ses caractéristiques fascistes et profondément malveillantes, le caractère clownesque du personnage ne vous échappera pas, encore qu’il puisse paraître plus évident chez Benito Mussolini qui avait servi de modèle pour le personnage de Napoloni dans le film de Chaplin. Je manque d’images d’archives de Napoléon Bonaparte, mais certains des récits se rapportant au personnage semblent également laisser paraître un côté clownesque. Khadafi et sa tente plantée dans le parc Marigny à Paris ou ses réceptions de dirigeants du monde assis sur un tracteur n’est pas en reste, et il a fait de nombreux émules depuis, quoique peut-être un peu moins extravagants.

La bande dessinée a aussi produit quelques chefs d’œuvre dans le genre, comme par exemple « Le dictateur et le champignon » du génial André Franquin (probablement inspiré de Chaplin d’ailleurs) ; le côté clownesque et gaffeur du dictateur de la Palombie, Zantafio, ramène aux discours de dictateurs sud-américains comme Pinochet ou Fidel Castro. La scène du discours belliqueux que tout le monde acclame (motivés par des barbouzes armés) mais que personne ne comprend parce que les micros n’ont pas été branchés vaut également son pesant de cacahuètes ! Elle fait irrésistiblement penser aux discours fleuve de Fidel Castro auxquels tout le monde devait assister mais que personne n’entendait vraiment. Je crois que je ne peux actuellement pas m’empêcher de considérer un dictateur comme une espèce de clown malfaisant. Ridicule, irrationnel, grotesque et insensé. Le pompon est probablement détenu par Kim Jong Un, le dictateur obèse nord-coréen qui se fait filmer sur un cheval en pleine nature sauvage et indomptable. Pauvre bête ! (Je parle du cheval)

Qu’on ne s’y trompe pas : le côté clownesque n’atténue en rien le caractère dramatique et criminel de ces dictateurs : il met plutôt en évidence leur déraison et le caractère débile de leur personnalité, caractère qui pourrait être comique s’il n’était si tragique et générateur de tant de malheur et de larmes. Le clown dictateur peut faire beaucoup de mal, et il ne s’en prive généralement pas d’ailleurs.

Vladimir Poutine qui se promène torse nu, à cheval sur un ours, ou occupé à pêcher (peut-être à mains nues, je ne suis pas allé vérifier) dans une rivière est aussi clownesque que le discours inaudible de Zantafio ou le combat de hauteur de fauteuils entre Hynkel et Napoloni. Ses parties de hockey sur glace où le gardien adverse cherche désespérément à manquer le puck quand le président adresse un tir timide en direction de la cage sont si ridicules que l’on se demande pourquoi elles ne sont pas censurées, à l’instar d’informations beaucoup moins compromettantes ! Ses « réunions » attablé à 6 mètres de son interlocuteur font penser à Zantafio seul, juché sur un trône au fond d’une salle si étendue que ses interlocuteurs mettent plusieurs minutes à la traverser.

Le conflit qui oppose l’Ukraine et la Fédération de Russie pose en antagonistes Volodymyr Zelensky, un ancien clown devenu chef d’Etat, et Vladimir Poutine, un dictateur qui s’avère être aussi un clown que le ridicule n’a pas réussi à tuer. Je ne connais pas assez bien les deux pays incriminés pour décider de manière péremptoire qui est le « bon » et qui est le « méchant ». Par ailleurs, je me méfie énormément des jugements binaires, catégorisant un protagoniste comme définitivement mauvais et l’autre comme infiniment bon. La guerre en Irak (et ailleurs) a montré que les bonnes intentions affichées ne résistent pas au conflit armé ! Et de toutes façons, en période de guerre, les informations vraies diffusées par les combattants sont aussi rares que les promesses données et réellement tenues dans un discours électoral. Mais il est certain que brider l’information par une censure aussi sévère qu’impitoyable ne fait rien pour crédibiliser les dires d’un dirigeant, quel qu’il soit. Et à ce jeu-là, Vladimir Poutine a perdu toute la crédibilité qu’on aurait encore pu naïvement lui accorder après son inqualifiable agression.

En tous cas, si les armées de Poutine arrivent en Suisse après avoir aplati deux pays de l’OTAN en chemin, je doute que ce soit quelques F-35 alimentés au kérosène russe qui fassent la différence. Madame Viola Amherd aurait pu éviter une interpellation douteuse aux instigateurs de l’initiative contre l’achat de nouveaux avions de combat. C’était maladroit, et probablement méprisant pour les processus démocratiques suisses. Se rendre indépendant du pétrole russe pour assécher les ressources qui permettent à Poutine de maintenir son armée serait probablement plus efficace. C’est ce que l’Allemagne (et l’Europe avec elle) est en train de constater.

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Climate Strike

Je m’étais approché, il y a quelques années de cela, du mouvement « Grands-parents pour le climat« . J’avais envie de faire quelque chose, dans mes modestes possibilités, pour la cause environnementale. Après avoir contacté le mouvement, on m’a accueilli à bras ouverts; j’étais désireux de m’engager d’une manière ou d’une autre, mais cela ne s’est pas passé comme je l’espérais. En fait, je n’ai jamais eu l’occasion de m’intégrer au mouvement, ni même de discuter avec leurs membres (à une exception près) : ils voulaient que je leur refasse leur site web (ce que j’avais proposé d’ailleurs, et qui a été fait indépendamment de mes modestes compétences par la suite), mais il était très difficile de savoir quel contenu ils souhaitaient mettre dedans, le site web existant étant un grand fous-y tout sans thème ou ligne directeurs. J’avais essayé de faire part de mes doutes de manière aussi diplomatique que possible, mais personne n’a semblé comprendre où je voulais en venir. Actuellement encore, la page d’accueil énumère des manifestations, des conférences, des actions pour ou contre telle ou telle chose sans que l’on puisse dégager une quelconque recherche de ligne directrice ou de mesure pratique à encourager. Après avoir vainement tenté de définir des lignes directrices cohérentes, j’avais abandonné l’idée de collaborer avec l’équipe malgré la réelle qualité de l’engagement de certains d’entre eux (équipe qui comprend un prix Nobel de chimie, pour ne citer que le plus connu d’entre eux).

On reste, comme souvent dans ce genre de mouvement, dans une logique de contestation sous forme de grève ou de manifestation contre toute mesure qui pourrait paraître négative dans l’optique de l’évolution du climat pour les générations futures. On ne cherche jamais à encourager des actions qui pourraient s’avérer à moyen terme favorables : non, il faut « arrêter avec ces bagnoles, tout de suite » comme clamait le professeur et biophysicien cité ci-dessus, même si je suis raisonnablement certain que cette personne est consciente du fait qu’un arrêt brutal de toute utilisation du moteur à explosion est inenvisageable, sauf à accepter des millions de morts (effondrement économique, suppression de l’approvisionnement alimentaire de la population, etc…) à très brève échéance. De manière très cynique, ces morts contribueraient sans doute à résoudre le problème climatique, mais tout de même… Greta Thunberg milite dans la même mouvance : protester, réclamer des suppressions, mais sans proposer grand-chose de concret en contrepartie. Ce type d’action est nécessaire pour faire prendre conscience de l’urgence de la situation : en revanche, cela ne fait pas avancer vers une solution du problème.

Ce genre de mouvements a tendance à culpabiliser, peut-être inconsciemment, l’utilisateur lambda, qui se sert d’une automobile pour ses déplacements, se chauffe encore au mazout parce qu’il n’a pas les moyens d’investir dans un nouveau système de chauffage et prend parfois l’avion pour ses vacances. En réalité, les vrais responsables sont rarement interpellés par les actions initiées par ces mouvements. Et quand ils le sont (comme par exemple lors de la partie de tennis improvisée au Crédit Suisse pour protester contre des investissements inappropriés), on parle généralement plus du sort des manifestants que de l’objet de leurs manifestations.

Les mouvements écologistes ne se sont en revanche guère manifesté lorsque les Jeux Olympiques d’Hiver 2022 ont été attribués à une région où la neige est absente, ou lorsque le championnat du monde de football a été attribué à un pays où il est difficile de jouer au football sans climatiser le stade. Il n’y a pas eu de réactions notables non plus lorsque le Conseil Fédéral Suisse a déchiré unilatéralement le projet d’accord-cadre avec l’Union Européenne, réduisant ainsi à néant la collaboration des chercheurs suisses (et de certains de leurs collègues européens) dans le cadre du développement de solutions écologiquement durables à l’échelle européenne. A ce sujet, on attend encore (en Suisse et dans l’UE, apparemment) les propositions de ce même Conseil Fédéral pour normaliser à nouveau les relations : Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? – Je ne vois que des accords qui ondoient et des parlementaires qui merdoient. (D’après Charles Perrault, 1697). Il semble en effet beaucoup plus facile de dire « Je ne veux pas ceci, cela ne me convient pas » que de dire « Je pense que cette option est préférable pour les deux parties ». Les mouvements écologistes ne font pas exception à cette évolution regrettable : il est beaucoup plus sûr de critiquer ce qui ne va pas, plutôt que de risquer d’avoir tort en proposant quelque chose qui peut s’avérer inadéquat par la suite, ou d’être désavoué par un vote populaire.

Il en va hélas ainsi depuis plusieurs années : la logique de décision est négative plutôt que positive. Il devient de plus en plus difficile de faire évoluer une situation considérée comme satisfaisante pour une partie de la société, même si l’on est parfaitement conscient que cette situation ne peut pas perdurer à moyen terme. En France voisine, les gilets jaunes manifestent violemment contre les décisions du gouvernement, mais les alternatives proposées sont inexistantes, ce qui débouche à un statu quo dommageable pour toutes les parties. Là où la gauche et la droite politiques unies (MM. Delamuraz et Felber) proposaient une participation à l’Espace Economique Européen en 1992, la gauche dogmatique (USS) et la droite conservatrice (UDC) d’aujourd’hui provoquent une rupture des négociations avec l’Europe, avec les très gros dégâts collatéraux que l’on sait, et que l’on ne mesure probablement pas encore à leur véritable dimension. Dans le domaine de l’abandon des énergies fossiles, le discours reste « il faut arrêter » sans que les alternatives parviennent à convaincre (on parle de pénuries !).

Et pourtant, les scientifiques ayant proposé des solutions intéressantes à une transition énergétique depuis des décennies sont nombreux. Et les mouvements écologistes ne peuvent pas prétendre les ignorer, eux qui comptent souvent nombre de scientifiques de renom dans leurs rangs ! On peut citer comme exemple la longue et triste histoire des réacteurs à sels fondus (par exemple les réacteurs nucléaires utilisant le thorium), mais il y a de nombreuses autres possibilités en attente de financement en vue d’industrialisation (sommes souvent relativement modestes) pour lesquels ces mouvements pourraient s’engager activement. Mais il s’agit d’un engagement un peu plus compliqué et politiquement plus risqué que de simplement s’asseoir dans un lieu public en brandissant des pancartes…

Les mouvements écologistes, pour la plupart, ne causent de tracas qu’au citoyen lambda, comme vous et moi, agacés par des discours récurrents qui culpabilisent et prônent une austérité alors même que le nombre de milliardaires n’a jamais été aussi conséquent. En fait, les actions des organisations comme Action/Rébellion, ou Grands-Parents pour le climat tendraient plutôt à renforcer la position des gros pollueurs (les grands groupes pétroliers, les opérateurs d’énergie, les marchands de SUV, etc…) par la lassitude et l’agacement qu’ils finissent par générer auprès des citoyens. Le citoyen bloqué par des activistes sur le Pont Bessières à Lausanne percevra l’écologie comme un emmerdement, alors que. passé l’embouteillage, il se sentira ragaillardi par son gros SUV confortablement pollueur qui l’emmène vers son domicile ou sur la route du congé dominical.

En fait, les grands pollueurs devraient financer les mouvements écologistes qui leur font involontairement la meilleure des publicités. En réalité, peut-être le font-ils déjà…

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Sporty New Year !

Bonne année à tous !

Cette année 2022 sera marquée par deux évènements sportifs majeurs : les Jeux Olympiques d’hiver à Pékin (4 au 20 février), et le championnat du monde de football au Qatar (21 novembre au 18 décembre); les sportifs ont de quoi se réjouir !

Personnellement, je ne suis pas vraiment ce que l’on appelle un sportif, même si je pratique et adore le ski, et que j’ai pas mal parcouru la haute montagne en des temps meilleurs. La notion de compétition ou de confrontation liée au sport me passionne en effet modérément. J’aime bien suivre les compétitions de ski, mais le sport-canapé s’arrête à ce niveau pour moi. Ces deux évènements ne sont donc pas faits pour troubler de manière radicale mon emploi du temps pour l’année qui débute. En dépit de mon intérêt tout relatif, il y a tout de même quelques interrogations qui me viennent à l’esprit concernant ces deux manifestations.

Un championnat du monde de football dans un pays ne comptant pas de grande équipe (si l’on ne compte pas le Paris St. Germain) n’est pas forcément très pertinent, mais ce n’est pas interdit non plus; on est en revanche plus intrigué par les multiples « affaires » qui ont secoué les préparatifs de ce championnat du monde (Corruption ayant présidé à l’attribution de la Coupe du Monde, soupçons de maltraitance des ouvriers, perturbation des calendriers des championnats du monde entier, et on en passe).

Il est vrai qu’au vu des sommes engagées dans le football, la corruption paraît difficilement évitable; au seul critère des salaires incriminés, on se prend à rêver ou à cauchemarder : Ainsi, le Paris Saint-Germain, détenu par un groupe du Qatar, affiche-t-il des salaires totalement délirants pour ses joueurs de Ligue 1. Le Brésilien Neymar, selon les sources référencées ci-dessus, toucherait un salaire annuel de près de 50 millions d’euros; le nouveau venu Lionel Messi dépasserait ce chiffre, et Kylian M’Bappé naviguerait dans les mêmes ordres de grandeur. Chaque jour, chacun de ces joueurs reçoit près de deux fois le salaire annuel d’une infirmière française qui travaille dur pour soulager les souffrances de malades et mettre parfois sa vie en danger au contact de pandémies mal maîtrisées. Cela fait tout de même cher le coup de pied dans une baballe… A ce tarif, MM. Blatter et Platini, impliqués à leur corps défendant dans les rumeurs de corruption, font figure de très petits joueurs !

Je critique, je critique… Mais au vu du yacht de M. Abramovich, possesseur du club de football britannique Chelsea FC (et, partant, acteur majeur de la scène footballistique internationale), je suis moi-même, avec mes petits problèmes de chauffage, un très très très petit joueur.

Un de mes amis tentait de relativiser en disant que la carrière d’un footballeur est finalement assez courte, et que les salaires exorbitants seraient ainsi justifiés : tu rigoles ? 15 ans à 50 millions et la retraite à la clé, moi, je signe tout de suite ! Et je connais plusieurs des infirmières citées plus haut qui contresignent. Ces salaires ne sont pas l’apanage de quelques joueurs de très haut niveau : un Xherdan Shaqiri, joueur excellent mais ayant visiblement atteint depuis longtemps tous les objectifs fixés par son ambition gagne tout de même plus de 4 millions d’euros par année.

Mais je m’égare un peu. Beaucoup même, sans doute. Il me semble tout de même que ces sommes délirantes tendent à démontrer que la Coupe du Monde (le « Mundial« ) est avant tout un évènement financier. Le sport n’est pas le moteur essentiel dans cette organisation, c’est l’argent. Et l’argent attire la convoitise, donc la tentative -réussie, apparemment- de corruption. Si les motivations avaient été uniquement sportives, on aurait choisi une autre période de l’année, plus propice, et un autre endroit, où les gens sont plus passionnés par le football.

L’argent n’est selon toute probabilité pas la raison principale (mais elle reste vraisemblablement significative) pour avoir choisi un endroit comme Beijing pour organiser des Jeux Olympiques d’Hiver. Un endroit très sec où les sports d’hiver ne sont guère populaires, les installations (stades de glace, pistes de ski, etc…) inexistantes, moins encore qu’en Corée du Sud où, quelques années plus tôt, se sont tenus des Jeux Olympiques dans la relative indifférence des spectateurs locaux.

Alors, sur quels critères Pékin a-t-il obtenu les Jeux Olympiques d’Hiver ? La Chine avait obtenu en 2008 l’organisation des Jeux Olympiques d’Eté : cela avait été l’occasion de montrer au monde entier que la nation était devenue forte, moderne. Le message sera sans doute différent en 2022. La Chine se veut une grande puissance, la première puissance mondiale, et le message que proposera la cérémonie d’ouverture sera sans doute intéressant à ce point de vue, même si le coronavirus perturbe quelque peu le spectacle. La Chine a usé de toutes ses influences (en particulier auprès des Africains qui ont beaucoup de voix au Comité International Olympique) pour obtenir cette tribune mondiale, et le fait que personne en Chine ne s’intéresse au ski ou au hockey sur glace est totalement secondaire.

Des situations analogues ont déjà été expérimentées par le passé, mais sans doute jamais de manière plus évidente que lors des Jeux Olympiques de 1936 à Berlin, où le IIIème Reich voulait démontrer au monde entier que l’Allemagne s’était relevée de sa défaite de 1918, et qu’elle entendait faire payer aux vainqueurs l’humiliation du Traité de Versailles en 1919.

De manière intéressante, on peut tirer quelques parallèles (parmi d’autres possibles) entre la situation en Allemagne en 1936, et la Chine en 2022. Bien sûr, « Comparaison n’est pas raison » (Raymond Queneau), mais cela donne tout de même des indications qui peuvent se révéler instructives:

  • L’Allemagne de 1936 tolère assez mal la contradiction et la critique; on a ainsi modifié le rôle de la police criminelle (Kriminalpolizei) pour en faire une police politique. De son côté, le Parti Communiste chinois a depuis longtemps réprimé sévèrement la contestation, comme l’avait fait avant lui les empereurs. Ainsi a-t-on pu constater récemment la disparition momentanée de divers personnages (Fan Bingbing, Jack Ma, Peng Shuai pour ne citer que les plus connus et les plus récents), qui revenaient parfois après plusieurs mois d’absence sur le devant de la scène en tenant des propos nettement différents de ce qui avait pu être dit par le passé. Pour la joueuse de tennis Peng Shuai, le gouvernement a dû improviser une conversation de l’intéressée avec le directeur du CIO Thomas Bach pour que ce dernier puisse se dédouaner vis-à-vis de la presse internationale ! Par ailleurs, le gouvernement tente souvent maladroitement de corriger l’histoire en éliminant les souvenirs d’épisodes désagréables comme les incidents de Tian An Men.
  • L’Allemagne de 1936 utilisait déjà les camps de concentration (instaurés dès 1933) pour se débarrasser des personnes ou de groupes indésirables. Apparemment, les autorités chinoises utilisent ce genre de moyens pour contrôler des minorités encombrantes comme les Ouïghours au Xinjiang; certains médias n’hésitent pas à parler de génocide en la matière, un peu à la manière de la solution finale de l’Allemagne nazie dès 1942. Les dénégations assorties de protestations outrées du gouvernement chinois sont décrédibilisées par la censure sévère et omniprésente exercée par ces mêmes autorités.
  • Les visées hégémoniques du gouvernement chinois menacent la paix en Extrême-Orient. L’annexion violente du Tibet (actuellement Xijang) dans les années 1950 peut être mise en regard de l’Anschluss de l’Autriche planifié dès 1935 par le Reich. Les prétentions chinoises sur l’île de Taïwan et la république de Chine font craindre l’escalade en mer de Chine. On peut tracer un parallèle entre le Taïwan actuel et la ville de Dantzig (ou Gdansk) à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale. L’annexion de Dantzig en 1939 avait marqué le début de l’invasion de la Pologne et initié le conflit de 1939-1945.

De Berlin à Pékin. La rime est assez pauvre, mais un peu inquiétante. Souhaitons que le pouvoir en place à Pékin ne fasse pas rimer 2022 avec 1936.

Encore une fois : Bonne année à tous !

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Métavers

Plusieurs acteurs du domaine des technologies de l’information (Facebook, Google, Amazon, Apple, Microsoft, etc… ) s’intéressent de près au métavers, à tel point que Mark Zuckerberg a décidé de modifier en Meta le nom de la société qu’il dirige et qui gère les services de Facebook. La perception de ce qu’est effectivement un métavers varie fortement selon les acteurs : cela va de la réalité augmentée à la complète dystopie en transitant par les réseaux sociaux ou les logiciels de télétravail. De fait, la démarche n’est guère originale, puisque Second Life, un monde virtuel crée par Linden Lab comme un jeu existe depuis 2003 et reste pour l’instant actif, bien que la crise de 2008 ait plombé sa popularité. Jusque là, ce métavers avait eu un succès indéniable; de nombreuses entreprises avaient d’ailleurs « ouvert boutique » sur Second Life, à l’exemple de la BCV, pour ne citer que cette entreprise se voulant pourtant « sérieuse »; bien que nombre d’entre elles aient désormais cessé leur activité, il en reste encore quelques-unes, ainsi que de nombreux services dont on peut obtenir la liste exhaustive sur le site dédié. Dans Second Life, chaque « joueur » est représenté par un « avatar« , et ce sont les avatars qui interagissent – de manière très basique, il faut l’avouer – entre eux; c’est apparemment sur ce principe que devrait se fonder le métavers de Facebook, en intégrant 20 ans de progrès technologique, des capacités de calcul cent mille fois plus performantes permettant entre autres le rendu 3D en temps réel et l’appui de connexions mille fois plus rapides. D’ailleurs, le réseau social Facebook est lui-même une sorte de métavers, assez primitif, mais il permet néanmoins aux utilisateurs de s’abstraire d’un environnement qui les dérange pour se retrouver dans un cadre où tous leurs interlocuteurs sont d’un avis convergent.

Le concept de Métavers a probablement été introduit par l’auteur de science-fiction Neal Town Stephenson dans le cadre de son roman « Le samouraï virtuel » (1996). Du moins, c’est ce que lui prétend. Dans une certaine mesure, à raison; mais j’ai souvenir de certains romans de science-fiction (ou films, comme le révolutionnaire Tron de Walt Disney, en 1982) antérieurs qui auraient pu correspondre à la thématique sans toutefois introduire le terme « métavers ». Peu importe, après tout.

Le métavers représente vraisemblablement la prochaine évolution du concept de réseau social; mais que peut-on attendre de ces nouveaux services appelés à bouleverser les habitudes de la société ?


Les espoirs ?

  • Celui qui implémente un métavers espère généralement en tirer un certain profit. Le métavers de Zuckerberg, par exemple, devrait permettre de vendre des casques de réalité augmentée qui permettront de se déplacer dans le métavers; des réseaux de capteurs devraient autoriser des interactions « naturelles » entre les avatars qui peuplent cet univers bardé de publicités pour des entreprises aussi bien réelles que virtuelles. Les avatars devront se vêtir dans des boutiques du métavers, fréquenter d’autres avatars dans des restaurants, des parcs ou des salles d’exposition de ce même métavers et acheter divers biens de consommation comme c’est déjà le cas dans Second life où les transactions se font en Linden dollars. Il n’est pas encore très clair sur la manière dont sera gérée l’économie sur la version de Facebook, mais on peut faire confiance à Zuckerberg pour qu’il ne perde pas d’argent.
  • Un métavers est un cadre d’expérimentation extraordinaire. On peut y créer des modèles sociaux, économiques ou politiques et les expérimenter sur la durée sans risquer de conséquences irréversibles dans la « vraie vie ». On peut même y organiser des conflits, des guerres, et faire ainsi l’expérience à relativement bon marché de stratégies et d’options géopolitiques.
  • Les entreprises peuvent, à peu de frais, expérimenter de nouveaux produits sans avoir à les développer au préalable. Le métavers peut en théorie remplacer les études commerciales dans de nombreux domaines. Le domaine de la mode et du design industriel par exemple peuvent expérimenter des nouveautés dans le métavers sans avoir à implémenter un modèle réel. Une nouvelle carrosserie d’automobile pourrait ainsi être soumise à une clientèle sélectionnée pour en mesurer l’attrait. Cerise sur le gâteau : dans le métavers, il est possible de vendre un produit qui n’est pas encore fabriqué…
  • Une entreprise qui pourrait travailler dans le métavers résout la plupart de ses problèmes de logistique; pas de bureaux, le télétravail est implicite, et pour autant qu’une monnaie virtuelle convertible (comme le Linden dollar dans Second Life) ait été définie, elle peut relativement facilement optimiser ses redevances fiscales. Cet avantage est bien sûr à double tranchant, car il peut représenter une évasion fiscale frauduleuse. Mais à l’heure actuelle, il devrait probablement être compliqué d’attaquer une entreprise pour des activités dans un univers virtuel…
  • Le métavers peut représenter un environnement intéressant pour des personnes âgées, ou partiellement handicapées, ne parvenant plus à avoir une vie sociale telle qu’ils la souhaiteraient. Ces personnes seront-elles en mesure de profiter de cette opportunité ? Pas sûr, même si les responsables de ces métavers acceptent de leur en faciliter l’accès pour des raisons philanthropiques.

Les craintes ? Elles sont nombreuses, mais peut-être sont-elles dues en partie à mon pessimisme ?

  • Les réseaux sociaux comme Facebook sont par nature des environnements clivants : on communique avec des « amis » que l’on s’est choisi, et on finit par ne plus interpréter le monde réel qu’au travers de ce cercle fermé que l’on s’est crée. La transposition d’un réseau social dans un métavers pourrait se concrétiser dans des micro-environnements (des îles, par exemple), où l’on se retrouve entre « amis » (ou avatars d’amis). On peut imaginer qu’un personnage influent (à l’image d’un précédent président des Etats-Unis, par exemple) acquière une île sur le métavers et y installe une méta-société où le droit consiste essentiellement en son bon vouloir, et l’information disponible en une vision uniformément biaisée par ses intérêts. Même si c’est déjà le cas sur les réseaux sociaux actuels, l’effet du métavers pourrait amplifier gravement le phénomène. Le « discours » politique se transposerait, du coup, en une propagande à sens unique dans le métavers, où les habitants de l’île seraient soumis à une pensée unique. On aurait une île « Trump Island », une île « Zemmour », etc… Ceux dont les avatars fréquentent ces îles risquent fort de se comporter de manière encore plus clivante, une fois de retour dans le monde réel.
  • Les promesses d’environnement exploratoire d’un métavers seraient sérieusement limitées par l’investissement considérable représenté par l’implémentation d’un environnement crédible. Un métavers permettrait théoriquement d’essayer divers types de sociétés, de contrôler l’effet de modifications sur une population typique, etc… Mais il n’est pas certain que ce genre d’expérimentation puisse s’avérer rentable pour des investisseurs dans les infrastructures nécessaires à l’élaboration du métavers.
  • Le métavers ne connaît en principe pas les limites de l’univers réel; ainsi, il est peu probable que Facebook introduise le virus SARS-CoV-2 dans son métavers, à moins qu’ils y voient un intérêt économique. On se retrouverait alors confronté à des environnements idéalisés (du moins, du point de vue de l’entreprise qui gère le métavers, qui a intérêt à contenter les utilisateurs) auprès desquels la réalité pourrait paraître bien grise ! Quelle influence sur la société ?
  • L’utilisation de casques de réalité augmentée limite l’accès au métavers en nécessitant un environnement spécifique. Une connexion 5G permettra sans doute l’accès en environnement mobile à un métavers, mais à combien de personnes simultanément ? Et il est sans doute compliqué de se connecter au métavers avec un casque de réalité virtuelle dans un environnement public ! Ou peut-être pas ?
  • Un avatar de Second Life consommait en 2008 une énergie équivalente à un Brésilien moyen en une année, soit 1750 kWh (source Wikipédia). On peut craindre que la technologie plus évoluée avec un rendu 3D plus réaliste et un réseau de support plus performant fasse exploser ce chiffre. Le métavers pourrait alors devenir un gouffre à énergie dont les serveurs alimentés par des centrales peu écologiques (comme cela est arrivé avec le bitcoin, au Kazakhstan par exemple) pourraient poser un réel problème environnemental, et ceci dans l’univers réel. Bon, d’aucuns me rétorqueront que le problème est déjà présent, alors un peu plus, un peu moins… Oui, mais tout de même.

Les univers synthétiques ou métavers représentent sans doute le réseau social de troisième génération; mais ils ne remplaceront pas les réseaux sociaux conventionnels dans un futur très proche, en raison des ressources matérielles qu’ils nécessitent. Je suis pour ma part très partagé entre l’enthousiasme conféré par les possibilités offertes par ces univers virtuels et les conséquences sociales possibles d’un déploiement à large échelle d’un tel métavers. D’autant qu’il n’existe aucune véritable législation à ce sujet; comme d’hab, on édictera les règles plus tard…


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Transition énergétique

J’ai un souci potentiel avec le système de chauffage de mon domicile et la génération d’eau chaude domestique : la chaudière (fonctionnant au gaz naturel) est en excellent état, mais a plus de vingt ans d’âge, et n’est plus entretenue par le fabricant. En d’autres termes, si la chaudière tombe en panne, il faut la remplacer.

Parallèlement à cet état de fait, la loi, dans le canton où j’ai le douteux privilège de payer mes impôts, impose lors du remplacement d’un système de chauffage d’utiliser une part significative d’énergie renouvelable (donc non fossile). Remplacer la chaudière revient donc en substance à reconsidérer l’une des principales sources d’énergie de l’habitation. Un problème assez complexe à envisager pour un non-initié (et expérience faite, pas forcément évident non plus pour certains initiés ou se présentant comme tels) !

Fort heureusement, il y a des aides mises à disposition par les administrations cantonales; souvent hétéroclites d’un canton à l’autre, elles permettent néanmoins de se faire une petite idée des solutions existantes et des conséquences qu’elles impliquent (financièrement, économiquement, et du point de vue du confort de vie qu’elles entraînent). Ainsi, j’ai pu demander un conseil incitatif gratuit qui m’a permis de connaître les options possibles pour le cas particulier de mon habitation. Une pompe à chaleur à sonde géothermique semblait difficilement implantable, une chaudière à pellets m’aurait privé de tout ou partie de ma cave pour y stocker le combustible, seul un système de pompe à chaleur air-eau semblait adéquat. De manière extrêmement simpliste, il s’agit de faire fonctionner un très gros (et par ailleurs assez coûteux) réfrigérateur à l’envers : le réfrigérateur prend de l’air chaud pour éjecter d’un côté de l’air plus chaud et à l’intérieur de l’air plus froid, la pompe à chaleur prend de l’air à température ambiante pour éjecter de l’air plus froid à l’extérieur et plus chaud à l’intérieur.

C’est très simple en théorie, mais en pratique, un très gros réfrigérateur nécessite beaucoup d’énergie électrique pour fonctionner, et a besoin d’un ventilateur tournant pratiquement en permanence pour assurer la circulation d’air forcée. Malheureusement, l’approvisionnement électrique pourrait devenir problématique dans un futur proche, selon nos autorités; et la voiture électrique (que je persiste à considérer de manière très dubitative sous sa forme actuelle) ne va pas contribuer à améliorer la situation, ce qui pose des questions sur la sécurité d’investissement dans un tel système de chauffage…

L’une des solutions classique à ce dilemme est de coupler la pompe à chaleur à un capteur photovoltaïque pour produire soi-même une partie significative de l’énergie électrique consommée par la pompe à chaleur; mais comme le soleil ne brille pas forcément au moment opportun relativement aux besoins de chauffage, on va également utiliser une batterie à grande capacité pour stocker l’énergie électrique, ainsi qu’un gros réservoir de stockage de l’eau chaude (qui accessoirement, va occuper une place considérable dans le local technique). Bien sûr, il faut encore un onduleur pour revendre l’éventuel trop-plein d’énergie au fournisseur d’énergie électrique.

On s’en doute, la facture s’allonge notablement. La question qui se pose alors est de savoir combien de temps il faudra pour amortir l’investissement, pour autant que cela soit possible. Une première estimation (grossière, il est vrai, réalisé à l’aide d’une calculette en ligne) me propose un amortissement sur trente ans de mon investissement pour qu’il devienne effectivement rentable. Me voilà rassuré. Sauf que dans trente ans, je ne serai fort vraisemblablement plus là pour profiter de cet investissement, Sauf qu’une batterie au lithium-ion doit être remplacée après environ 6000 cycles de charge, donc (en supposant qu’en saison hivernale, on réalise un cycle par jour, ce qui ne paraît pas absurde) probablement après cinq ans environ. Sauf que les panneaux photovoltaïques connaissent de nouvelles générations tous les quatre à cinq ans. Les composants électroniques omniprésents dans ces systèmes ne sont plus fabriqués après une dizaine d’années (essayez donc d’obtenir sur le marché un microprocesseur Intel 80586 – ou Pentium – qui représentait le top du top en l’an 2000). D’ailleurs, ma propre chaudière à gaz a vingt ans d’âge et n’est plus entretenue par le fabricant, alors comment tabler sur un amortissement à trente ans ?

La conclusion est claire : pour le système photovoltaïque en tous cas, un amortissement à trente ans n’est pas réaliste : l’investissement est donc à pertes. Je n’ai pas considéré la pompe à chaleur elle-même jusqu’ici, parce que je ne suis pas suffisamment au fait de ces technologies pour émettre un avis pertinent, mais j’ai l’intention de corriger ces lacunes dans un proche avenir; par ailleurs, j’ai un congélateur qui fonctionne depuis bientôt quarante ans, je pense donc que la technologie est mature, même si l’intégration électronique et informatique nécessaire dans une pompe à chaleur pourrait être moins pérenne que la pompe proprement dite. De surcroît, l’investissement doit encore être complété par un système de gestion des flux énergétiques qui permette de contrôler la consommation et la production : un système de domotique à installer et à gérer, avec les mises à jour et les contraintes de sécurité que cela implique par les temps qui courent.

Par ailleurs, les tarifs pratiqués pour l’électricité (sur la base de mes factures d’énergie) ne sont guère incitatifs : à l’achat sur le réseau, le kilowattheure (kWh) coûte 17 centimes, alors que la revente de courant photovoltaïque rapporte 8 centimes. Aux heures de grande production, je reçois donc 8 centimes pour alimenter la pompe à chaleur de mon voisin qui lui, dépense 17 centimes pour ce même courant. Mais le kWh que je revends au réseau m’a lui, coûté 27 centimes (calcul confirmé par le fournisseur d’énergie) ! Je suppose que cela doit être considéré comme un encouragement à effectuer la transition énergétique; mais je reste assez sceptique.

Les aides financières proposées pour aider à la transition énergétique sont inférieures à 10% du prix de l’installation. L’exonération fiscale ne parvient pas à rendre l’investissement rentable. En effet, dans l’estimation proposée par la calculette en ligne que j’ai utilisée, ces paramètres sont déjà pris en compte. Reste bien sûr la satisfaction de produire moins de gaz à effet de serre, et de moins dépendre de sa Majesté le tsar Poutine ou du prince Mohammed ben Salmane. Mais à quel point ? Selon les fournisseurs d’énergie, une installation photovoltaïque telle qu’envisagée à mon domicile économise chaque année ce que rejette une automobile (laquelle ?) parcourant 1050 km avec un moteur thermique. Pour la pompe à chaleur, le bilan est beaucoup plus spectaculaire, puisqu’estimé à 11000 kilomètres parcourus en automobile. L’investissement que j’envisage (partiellement à pertes) me permet donc d’économiser globalement par année l’équivalent des rejets en CO2 d’une voiture ayant roulé 12000 km; ou, en gros, ce que rejette un avion de combat pendant les quelques secondes du décollage de l’aérodrome militaire de Payerne distant de 50 kilomètres. Je ne suis pas certain que la comparaison avec l’avion de combat constitue une grande motivation pour ma dépense…

Si nos pouvoirs politiques entendent encourager une réelle transition énergétique, ils doivent impérativement changer fondamentalement leur état d’esprit. Il est nécessaire que les citoyens voient concrètement un intérêt dans leur investissement si l’on veut faire avancer les choses. Madame la ministre de l’Energie, des Transports et de l’Environnement, il ne suffit pas de se mettre en colère face aux impérities de la COP26, ou de s’asseoir avec un gréviste de la faim sur la place fédérale à Berne. Il y a des mesures importantes à prendre, même si parmi vos collègues de gouvernement, d’aucuns ont des priorités apparemment différentes. Merci de bien vouloir utiliser votre énergie à essayer de les convaincre. Merci pour le climat, pour les générations futures, et accessoirement pour les contribuables qui souhaitent remplacer leur chauffage sans forcément se mettre sur la paille. Non chauffée, la paille, d’ailleurs !

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