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Fondation

Récemment, j’ai relu « Fondation« , un recueil de nouvelles de science-fiction écrit par Isaac Asimov entre 1957 et 1965; il a par la suite complété ce recueil par une série de romans plus volumineux qui permettaient à l’écrivain de relier ces récits au reste de son œuvre très riche, et accessoirement d’intéresser des lecteurs plus jeunes à ces récits. Les revenus associés aux droits d’auteur, c’est toujours bon à prendre, non ? Bref.

Les récits de ces nouvelles sont censés se dérouler dans un futur éloigné, à 20 ou 30000 ans de nos jours. L’humanité a découvert le moyen de voyager de manière quasi instantanée sur des distances astronomiques et a ainsi colonisé la galaxie et fondé un Empire Galactique comprenant plusieurs centaines de milliers de planètes habitables ou terraformées. Un mathématicien génial, Hari Seldon, a inventé une nouvelle science, ou une méta-science, intégrant des aspects sociologiques, psychologiques, historiques, mathématiques et statistiques qu’il a appelé « psychohistoire » et qui permet de prédire l’évolution future probable d’une société d’êtres humains, étant donné un point de départ déterminé. Et cette science lui permet de prédire clairement que l’Empire Galactique va sombrer dans le chaos et être détruit; bien qu’il soit encore possible, non pas de le sauver, mais d’atténuer considérablement les conséquences de cette chute inéluctable en prenant les mesures nécessaires.

Ces prédictions ne sont guère du goût du pouvoir en place, qui craint les critiques que pourraient engendrer des nouvelles pessimistes, et de surcroît n’est guère enclin à modifier quoi que ce soit à ses manières de faire habituelles (ce qui s’avère par ailleurs être l’une des causes du futur effondrement de l’Empire). Il fait donc arrêter Hari Seldon en l’accusant de tentative de subversion en vue de renverser le pouvoir en place. S’ensuit un procès à huis clos où, pour se défendre, Hari Seldon doit démontrer le bien-fondé de sa théorie psychohistorique alors même que ses juges ont pour mission de démontrer que les prédictions du mathématicien sont infondées. Malheureusement pour eux, la démonstration mathématique est difficilement réfutable, et le procès aboutit à une impasse où l’accusé sait qu’il a raison et le prouve mathématiquement, et ses accusateurs ainsi que le jury savent également qu’il a parfaitement raison, mais sont dans l’impossibilité de l’admettre pour ne pas désavouer le système gouvernemental en place. Le résultat, c’est que Hari Seldon est lavé de toute accusation de sédition, mais aucune mesure d’une quelconque efficacité n’est entreprise afin de ne pas inquiéter inutilement les populations. Tout au plus entreprend on la rédaction d’une compte-rendu exhaustif de toutes les connaissances de l’Empire (une sorte d’Encyclopédie Galactique) afin de s’assurer que les connaissances existantes ne seront en aucun cas perdues. Ce qui bien sûr ne résout strictement rien, mais Hari Seldon, grâce à la psychohistoire, avait prédit ce dénouement, et le récit pourra se poursuivre avec l’implantation de la Fondation pour l’Encyclopédie sur une planète éloignée (pour qu’elle ne perturbe pas le gouvernement), laquelle va évoluer pour devenir progressivement le pouvoir succédant à l’Empire Galactique.

Le point intéressant, c’est ce moment tragi-comique où tout le monde sait que l’accusé a raison, qu’il va se passer des choses graves, mais où on n’entreprend rien parce que cela pourrait éventuellement modifier la situation existante et déstabiliser certains pouvoirs en place, qu’ils soient politiques, sociaux ou économiques. Mieux vaut percuter le mur plus tard que de risquer d’être légèrement déséquilibré par une manœuvre d’évitement.

C’est une situation remarquablement similaire que j’ai retrouvé dans le rapport final de la COP26 à Glasgow. Tous les protagonistes ou presque sont convaincus de l’exactitude des prédictions des scientifiques concernant l’évolution du climat sur terre. Tous savent que le train « Humanité » roule à grande vitesse sur les rails « Energies Fossiles » et qu’il va dans le mur; qu’il serait donc urgent de « planter les freins », ou d’emprunter le prochain aiguillage à gauche ou à droite, ou mieux encore, faire les deux choses. Mais tout ce que l’on consent à faire, c’est de conseiller de lever légèrement le pied de l’accélérateur.

Remarquablement similaire au cas de Hari Seldon, vous ne trouvez pas ?

Sauf que Hari Seldon, c’est de la science-fiction, et que ce mathématicien dispose de centaines de milliers de planètes pour établir sa Fondation et la faire prospérer. COP26, c’est hélas la réalité, notre réalité, et pour ce qui est des autres planètes…

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Anticipation

Le 28 novembre, le peuple suisse va se prononcer sur l’initiative dite des « soins infirmiers » qui entend valoriser le travail des infirmières et des infirmiers, et au-delà, on l’espère, améliorer la qualité des soins. Le résultat semble couru d’avance : ce sera très probablement un « oui » assez net dans les urnes, le COVID et ses hospitalisations étant passé par là et restant pour l’instant très présent dans le débat. Et comme souvent pour ce genre d’initiative, la mise en œuvre butera sur une foule de problèmes, les coûts s’avéreront excessifs, les cantons se sentiront spoliés de leurs prérogatives, et plein d’autres raisons que j’ignore encore feront que les effets de cette initiative resteront très cosmétiques.

Soit dit en passant, l’initiative insiste sur la notion de soins; mais il ne me semble pas que les professions annexes (nettoyage, auxiliaires, cuisines, tout ce qui fait l’infrastructure dont les soins ont besoin pour fonctionner) soient valorisées de manière similaire par cette initiative. Mais il y a sans doute des priorités à placer, et il est probablement plus vendeur de parler d’infirmières que de personnel de nettoyage dans une initiative populaire. Bref…

Cette initiative a fait l’objet d’un débat (comme d’habitude) à la TV suisse romande lors de l’émission « Infrarouge » le 10 novembre, et comme d’habitude toujours, on y trouvait M. Philippe Nantermod pour y défendre un contre-projet concocté par le conseil national et apparemment beaucoup mieux ficelé (c’est lui qui le dit) que l’initiative irresponsable proposée par les initiants. D’après le conseiller national, l’initiative sera inapplicable dans les faits, alors que le contre-projet serait directement mis en œuvre dès que l’initiative sera balayée dans les urnes. Notons au passage que M. Nantermod prévient déjà que même si l’initiative est acceptée par le peuple ( ce qui sera probablement le cas ), comme elle est à son avis inapplicable, elle n’aura pas les effets souhaités; on comprend bien que le parlement prévenu ne va pas faire des efforts démesurés pour rendre possible l’application de la volonté populaire, alors qu’ils ont déjà décidé que cela ne fonctionnerait pas !

Le discours des initiants, il faut bien le dire, manque aussi singulièrement de cohérence, et les mêmes arguments sont répétés parfois ad nauseam par les intervenants. Mais indépendamment du bien-fondé du contre-projet et des arguments contre l’initiative (et qui sont sans doute justifiés dans une certaine mesure), je me pose tout de même une question peut-être stupide, mais dont j’aurais aimé connaître la réponse de M. Nantermod, par exemple, ou de Mme Bütikofer, plus directement concernée puisque faisant partie de l’organisation nationale des hôpitaux (H+, c’est vrai qu’ils devraient probablement se mettre au boulot si l’initiative passe !). Si le contre-projet est tellement mieux ficelé et résout tellement plus de problèmes, pourquoi le pouvoir politique ne l’a-t-il pas proposé avant que ne soit déposée une initiative, disons (soyons fous) du côté de 2010 ? Cela aurait économisé les frais liés à une initiative et une votation populaire, cela aurait amélioré les conditions de travail du personnel soignant et corollairement des soins pendant cette période pénible de pandémie, et nous disposerions maintenant d’équipes opérationnelles pour s’occuper de nos petites santés. Vous dites ? Personne ne l’avait demandé ? Je fréquente les hôpitaux depuis plus de vingt ans, pour diverses raisons, et la situation est bien connue de tous, et sûrement aussi de certains politiciens. Et puis, il n’est pas interdit d’anticiper les besoins du peuple lorsque l’on gouverne. Je sais que je me répète, mais « Gouverner, c’est prévoir… » (Emile de Girardin, 1852). Mais actuellement, il semble que le mot d’ordre soit plutôt « Gouverner, c’est réagir quand on ne peut plus faire autrement ». Et même à ce moment, il s’agit de trouver la réaction minimale qui permettrait de calmer le jeu en attendant le prochain orage.

M. Nantermod a charitablement prévenu les téléspectateurs en fin de débat : plus de prestations implique plus de frais, donc les primes d’assurance-maladie vont augmenter. Il dédouane ainsi directement les assurances et l’industrie pharmaceutique qui ont une excuse déjà fignolée par un conseiller national pour augmenter les primes. Un exemple que pourrait étudier M. Nantermod : le Pantoprazole, un médicament très utilisé pour aider le système digestif lors de l’ingestion d’autres médicaments, est jusqu’à trois fois plus cher en Suisse qu’en France, même si fabriqué en Suisse. N’y aurait-il pas matière à s’étonner pour un juriste compétent et politicien brillant comme M. Nantermod, et partant de se préoccuper d’équilibrer les coûts des médicaments pour essayer de limiter les augmentations de primes ? Comment dites-vous ? La liberté du commerce dans le cadre d’une économie libérale ? Ah oui, suis-je bête. Elle est plus importante que le personnel soignant et que les soins qu’ils prodiguent. J’espère que les infirmières et infirmiers qui délaissent la profession épuisés auront retenu le message.

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Pas tout compris…

Il est parfois difficile de suivre le raisonnement des autorités politiques; récemment, plusieurs messages livrés par notre gouvernement helvétique (ou les gouvernements des cantons) m’ont paru tellement contradictoires que je pense que j’ai dû manquer l’une ou l’autre page du livre. L’ennui, c’est que je ne comprends pas bien ce qui a pu m’échapper. Je vais mentionner trois thèmes pour lesquels l’action gouvernementale m’échappe actuellement:

Le dossier médical du patient :

Plusieurs cantons ont décidé d’aller de l’avant avec le dossier médical du patient en version électronique. C’est une démarche louable, que personnellement j’appelle de mes vœux depuis plusieurs années. Mais l’implémentation proposée laisse perplexe. Chaque canton propose une solution en propre. La principale pierre d’achoppement du dossier médical est l’identité numérique, bien sûr, refusée par le peuple suisse dans une récente votation. Sans identité numérique, pas de dossier du patient; mais les divers cantons ont décidé d’utiliser des solutions propriétaires. Ainsi, le canton de Vaud a introduit un VaudID-santé, mais il ne sera valable que pour les résidents du canton. Genève a pour sa part un GenèveID qui remplit les mêmes objectifs. Et ainsi de suite pour les autres cantons; on peut craindre qu’à terme, la Suisse se retrouve avec une vingtaine d’identités numériques différentes pour autant de dossiers patients, du coup incompatibles les uns avec les autres, mais contenant en principe des informations similaires, voire identiques. Ceci part d’une certaine logique, car ce sont les cantons, en Suisse, qui délivrent les pièces d’identité de base; mais contrairement à la carte d’identité qui a un format bien défini, l’identité numérique nécessite des outils spécifiques pour être protégée efficacement contre les contrefaçons et déchiffrée incontestablement par une autorité intéressée. Il n’est donc pas forcément garanti que pour des informations identiques, deux identités numériques soient compatibles et/ou interchangeables. Que se passe-t-il alors si un patient déménage ? Outre le fait qu’il a forcément tort de quitter un canton pour un autre (?), on peut supposer qu’il existera des passerelles pour pouvoir transférer son dossier patient d’un système d’identification à un autre : dans le cas de la carte d’identité, il faut en faire établir une nouvelle : on ose espérer que ce ne sera pas le cas pour l’intégralité du dossier patient. Quant au patient qui aura la malchance de tomber malade ou d’avoir un accident hors de son canton, on espère que l’on pourra encore le soigner dans l’hôpital où il aura finalement atterri…

Le désir parfois obsessionnel d’autonomie des cantons prime sur la logique qui voudrait que les habitants et contribuables puissent compter sur des soins aussi adéquats que possible où qu’ils soient lorsqu’il leur arrive de tomber malades ou d’avoir un accident. La dame qui se retrouvera aux urgences au CHUM (Centre Hospitalier Universitaire de Montréal) pourra-t-elle compter sur le fait que ses soignants auront accès à son dossier médical (incluant ses pathologies, ses allergies, ses intolérances et les traitements en cours) ouvert dans le canton de Neuchâtel en Suisse ? Mais bon, c’est de sa faute, elle n’avait pas à se rendre à Montréal, et surtout pas à y tomber malade.

Pénurie énergétique en vue !

Le président de la Confédération, M. Guy Parmelin, a averti la population qu’il fallait s’attendre à des pénuries d’approvisionnement en électricité. Ce n’est pas forcément une surprise, lorsque l’on constate la croissance de la consommation, boostée par l’automobile à propulsion électrique et la numérisation des services sur des clouds de plus en plus énergivores (bien qu’aux dernières nouvelles, en Suisse, on mette les clouds publics plutôt en Chine et aux Etats-Unis, mais bon…).

Ce qui est plus surprenant, c’est que le gouvernement ne s’en rende compte que maintenant. On ferme des centrales nucléaires, on ne veut plus de l’électricité produite à partir d’énergies fossiles (avec raison d’ailleurs), mais on n’investit que timidement dans le photovoltaïque ou dans l’éolien (ce dernier de toutes manières peu rentable en Suisse, à mon avis). Parallèlement, on fait la promotion de la voiture électrique, tellement moins polluante (en réalité, juste aussi polluante en exploitation que la production de l’électricité consommée). Il semble tomber sous le sens qu’à terme, on va manquer de courant, non ? Et que fait-on pour pallier à ce prévisible manque ? La Banque Nationale Suisse continue d’investir dans les énergies fossiles qui dorénavant ne produiront plus beaucoup d’énergie en Suisse, et le conseil fédéral se coupe partiellement de l’opportunité d’importer de l’énergie des voisins européens (abandon de l’accord-cadre avec l’UE, qui eût grandement facilité ce genre d’échanges). Encore faut-il que les voisins européens ne subissent pas de pénurie de leur côté, ce qui est loin d’être une certitude. La logique de la chose m’échappe, mais il est vrai que je ne suis pas politicien et encore moins gouvernant.

« Gouverner, c’est prévoir; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte » (Emile de Girardin, La politique universelle, 1852).

Nos dirigeants pensent sans doute que comme l’auteur de cette citation est décédé depuis longtemps, elle n’a plus de raison d’être…

Pandémie numérique ?

De nombreux experts le disent : la prochaine pandémie sera numérique. D’aucuns pensent que cette pandémie a déjà commencé, et je partage cette opinion, bien que je ne me prétende pas expert. Les nombreuses attaques récentes de pirates informatiques ont fait la une des médias, d’autant qu’après avoir ciblé de grandes structures privées ou semi-privées, on s’attaque désormais aux données de communes (Rolle, Montreux). Un « débat » sur ce sujet a fait l’objet d’une retransmission de l’émission Infrarouge sur la RTS. Je mets le terme entre guillemets, parce que par moments, cela devenait aussi inaudible qu’une discussion entre Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon (cette référence a été sélectionnée au hasard, il y a un vaste choix à disposition !).

Il est intéressant de constater que cela fait maintenant de nombreuses années que les spécialistes ont anticipé ces attaques, et mis en garde contre leur généralisation; mais les autorités à qui on demande d’anticiper les mesures à prendre pour se protéger contre de telles attaques ont préféré ne rien faire; à entendre le discours des protagonistes politiciens de l’émission susmentionnée, on comprend d’ailleurs que c’était peut-être préférable; mais en l’état, rien n’a été entrepris. On ne sait d’ailleurs pas très bien qui aurait entrepris quelque chose; le département militaire fédéral (théoriquement responsable de la sécurité, tout de même) a d’autres avions de combat à fouetter, le département de justice et police ne semble pas concerné. Le département militaire fédéral a initié depuis cette année un projet de cyberdéfense, mais apparemment, il ne sera vraiment opérationnel qu’en 2024. Quelque peu bizarrement, c’est le département fédéral des finances qui a mis sur pieds un Centre National pour la Cybersécurité qui permet un certain suivi des cyberattaques. Il est probable que l’on estime en haut lieu que les cyberattaques ne concernent que les finances, et qu’elles ne peuvent impacter les hôpitaux, l’industrie, les renseignements militaires, voire le processus démocratique même des Etats : ces hauts responsables feraient bien de suivre un stage chez Trump ou chez Poutine, entre autres…

Il est en tous cas navrant d’entendre (lors de l’émission en question) Mme Nuria Gorrite vanter l’excellence du travail (sans dire lequel, pas si bête !) accompli par ses services dans le canton où elle sévit (tout de même soumis à de nombreux cas de cyberattaques, il est vrai que le canton est grand), et encore plus navrant d’entendre M. Philippe Nantermod user et abuser de l’analogie pour le moins fallacieuse avec une porte d’entrée (je suppose que chez lui à Morgins, il la ferme à clé, mais est-ce bien le cas pour tous les ports logiciels TCP ou UDP qu’il utilise ?) pour affirmer qu’il faut laisser la sécurité aux mains des usagers.

La conclusion des politiques est que tout va bien, et que s’il y a des problèmes quelque part, ce n’est pas de leur fait, car eux font tout juste. La malnommée politique de l’autruche (on n’a jamais vu une autruche enfouir sa tête dans le sable en cas de danger, pas si bêtes, ces bêtes-là) est apparemment aussi de mise dans le cas de la cybersécurité. Il est vrai que les politiciens responsables sont peu ou prou les mêmes, plus préoccupés par les impératifs de réélection que par les dégâts occasionnés par leur impéritie. Tant pis pour la logique, car lors de l’inévitable catastrophe que va entraîner leur attitude, leur réputation va en souffrir; à moins qu’ils ne se trouvent l’un ou l’autre bouc émissaire…

Bouc émissaire tout trouvé : comme le répèterait M. Nantermod, l’utilisateur victime d’une cyberattaque aurait dû mieux se protéger; les consommateurs privés d’électricité n’avaient qu’à moins consommer; et le patient confronté à une incompatibilité informatique de son dossier médical n’eût pas dû tomber malade. Après tout, nous sommes des personnes responsables de leurs actes, n’est-ce pas ? Mais selon cette logique, à quoi peuvent encore bien servir les politiciens dans un Etat qui n’a plus aucune responsabilité ?

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Dummheitstrychler

Les mouvements antivaccin ou anti-certificats sont à la mode, apparemment. Tous les pays où il est possible de protester (tous sujets confondus) sans se retrouver immédiatement flanqué d’une armoire à glace en tenue de combat et armée jusqu’aux dents ont leur lot de manifestants plus ou moins organisés et moins ou plus bon-enfant.

En Suisse, c’est un peu différent; c’est vrai que les Helvètes ne font pas toujours tout comme les autres; mais si parfois c’est une qualité, ce n’est pas toujours un gage de raison. Là, on trouve, parmi les manifestants, un représentant du pouvoir, et non des moindres : c’est un conseiller fédéral, plus haute autorité de la Confédération Helvétique ! Chers voisins et néanmoins amis (en ce qui me concerne) français, imaginez Jean Castex manifestant parmi les gilets jaunes : vous voyez le tableau ? Et les commentaires journalistiques et politiques qui s’ensuivent ?

J’avoue qu’avant cet épisode, je n’avais jamais entendu parler des « Freiheitstrychler« . J’ai immédiatement consulté Docteur Google pour comprendre les raisons d’être de ces sonneurs de cloches, mais à ma grande honte, je n’ai pas compris grand-chose aux motivations énumérées dans leur site. En fait, je n’avais même pas compris la signification de leur identité, jusqu’à ce qu’on me fournisse une traduction : « Sonneurs de cloches de la Liberté ». Mon identité de Romand francophone doit en être la cause, bien que je me targue de parler raisonnablement bien le dialecte suisse allemand (dans sa version bâloise, il est vrai, peu compatible avec la Suisse dite primitive ou les idiomes prônés par une certaine classe politique majoritairement zurichoise). Ce que j’en ai retenu, c’est qu’ils ne voulaient pas du certificat COVID pour des raisons de privation de liberté. Ce que j’ai cru comprendre, c’est qu’un certain parti politique (dont le Conseiller Fédéral incriminé est membre actif) voulait faire payer aux partis de gauche (et au ministre de la Santé qui en fait partie, techniquement du moins) une non-élection de l’un de leurs tribuns emblématiques au Conseil Fédéral. Impression d’ailleurs nettement confirmée par les attaques récentes, répétées et au-dessous de la ceinture contre ce même ministre par des membres de ce même parti. Bon, on se bat avec les armes dont on dispose; mais franchement, utiliser une histoire de cul pour imposer ses idées (?), cela tend à laisser penser que les idées en question sont plutôt mal placées : généralement, on utilise plutôt le cerveau pour les abriter. C’est en tous cas mon humble avis. Il faut préciser que du côté du parti politique incriminé, on n’appelle pas cela une histoire de cul, on utilise d’autres termes; mais à la base, (si j’ose m’exprimer ainsi) cela ne change rien à l’affaire.

Pour en revenir au groupe protestataire en question, malgré le message peu clair de leur site web, où on comprend que les autorités foulent aux pieds la liberté des citoyens, il s’y dégage un sentiment de frustration face aux mesures anti-COVID édictées par les autorités fédérales. Et au nom des valeurs représentées par la Suisse dite primitive (Urschweiz, Guillaume Tell, les bras noueux, le schnaps, le hornuss et la lutte au caleçon), ils entendent protéger une longue tradition de liberté contre des initiatives qu’ils jugent intolérables. On ne sait pas très bien s’ils contestent globalement les mesures de prévention ou seulement l’acte de vaccination qui en fait partie, mais leur action constructive se résume à se promener en agitant des cloches de vaches en guise de protestation. Personnellement, je préfère le son des cloches à un discours en dialecte suisse allemand; mais à tout prendre, je préfèrerais encore le silence. Mais voilà, on est en démocratie, donc chacun a le droit de s’exprimer selon ses moyens.

Que les mesures anti-COVID puissent paraître contraignantes, je le conçois et je partage cette opinion; mais l’alternative la plus probable, c’est un retour à la fermeture des restaurants et l’arrêt des manifestations culturelles. Bon. la culture, c’est peut-être moins important pour nos sonneurs de cloche; mais la lutte au caleçon serait aussi touchée ! En sont-ils conscients ?

La solution, on l’a abondamment répété, est la vaccination; mais la Suisse est réfractaire. Un député réclamait l’abandon des mesures anti-COVID en citant des pays voisins comme exemples : il oubliait juste de signaler que ces pays présentent un taux de vaccination parfois de 30% supérieur à celui de la Suisse. Pas de comparaison possible ! Le problème, ce ne sont pas les autorités, ce sont les sceptiques de la vaccination, dont, je suppose, la majorité de « Freiheitstrychler » fait partie. Fièrement. En gilets décorés d’Edelweiss, avec barbes et cloches de vaches. Sans bien savoir pourquoi d’ailleurs, mais l’important, c’est d’être contre. On ne sait pas non plus de quoi ils peuvent bien avoir peur dans le vaccin anti-COVID. De mutations ? La technologie de l’ARN messager rend une telle hypothèse hautement improbable. Et même si cela était, ces mutations pourraient peut-être leur être bénéfiques.

Refuser de se faire vacciner, c’est perpétuer les mesures de prévention et de contrôle; beaucoup de ces « Freiheitstrychler » manifestent donc de facto pour le maintien des contraintes qu’ils veulent dénoncer. Personnellement, j’appelle ceci de la bêtise, et je leur suggère donc de modifier leur nom en Dummheitstrychler (de Dummheit : Bêtise).

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Bitcoins

Il y a quelques années, j’avais projeté, dans le cadre d’un cours sur les services de téléinformatique (la sécurité informatique ne faisait alors pas l’objet d’un cours spécifique, même pas à option !), d’introduire pour mes étudiants un laboratoire sur les cryptomonnaies, basé sur l’utilisation du bitcoin alors émergent, et encore assez peu connu du grand public (et même de pas mal de « spécialistes » d’ailleurs). J’avais l’ambition, au travers de ces manipulations de travaux pratiques, d’illustrer à mes étudiants les aspects suivants des cryptomonnaies :

  • Comment les cryptomonnaies sont-elles générées, qu’est-ce qui garantit leur valeur ?
  • Comment conserver des bitcoins, que se passe-t-il si on perd son « porte-monnaie » ?
  • Comment peut-on mettre sur pied un service ou un magasin virtuel qui supporte les transactions avec des bitcoins ?
  • Peut-on voler des bitcoins ? Si oui, comment se protéger ?

Il y avait encore d’autres thématiques envisagées, mais pour l’essentiel, c’était là les problèmes traités par ce projet de travail de laboratoire : il n’était pas question d’aborder les divers problèmes financiers liés à la coexistence avec les monnaies traditionnelles, par exemple : n’oublions pas que je m’adressais à de futurs ingénieurs en technologies de l’information, non à des commerciaux ou à des financiers.

Pour mettre sur pied ce laboratoire, j’avais d’abord envisagé d’acheter des bitcoins (à mes frais, parce que présenter une note de frais à l’administration pour une transaction -à l’époque- à la limite du légal, c’eût été des ennuis programmés) pour mettre à disposition du groupe un pécule permettant des transactions. En y repensant, c’eût été une sacrée aubaine pour moi si je l’avais fait, car le cours du bitcoin a par la suite atteint des hauteurs astronomiques, et mon porte-monnaie de laboratoire m’eût assuré quelques revenus intéressants pour ma retraite. A l’heure où j’écris ces lignes, le bitcoin vaut plus de 35000 €, et il a largement dépassé ce chiffre par le passé; mais demain il ne vaudra peut-être plus rien… Mais dans un premier temps, un collègue, ancien camarade d’études qui enseigne dans une université en France m’avait déconseillé d’utiliser des bitcoins, et m’avait plutôt conseillé de travailler avec une cryptomonnaie que j’aurais définie moi-même, implémentée sur la base d’une blockchain basique, ce qui m’aurait évité de potentiels problèmes avec une cryptomonnaie qui aurait possédé une valeur réelle, et qui aurait donc pu susciter des tentations. Nous avions même convenu d’un nom pour cette cryptomonnaie, le Marko, contraction très approximative du défunt Mark allemand et de mon propre prénom.

Le projet était déjà bien avancé quand il tomba à l’eau pour cause de redistribution des responsabilités de cours les années suivantes. L’école avait engagé un nouveau professeur qui allait me décharger de certains cours que je donnais alors, et ce laboratoire tombait donc à l’eau, en ce qui me concernait. Cette thématique n’ayant pas l’air d’intéresser mon successeur à l’enseignement de cette matière, le projet resta au stade de … projet, justement, et je l’oubliai dans un tiroir jusqu’à ce que récemment je décide de faire de l’ordre dans mes archives poussiéreuses et que le dossier se rappelle à la lumière de mes souvenirs attendris.

Entretemps, les cryptomonnaies sont devenues très nombreuses, même si le bitcoin est resté la plus connue et la plus populaire. Alors qu’à l’origine, l’idée était de créer une monnaie d’échange intraçable et indépendante des gouvernements, les implémentations pratiques ont quelque peu dérivé depuis. Le bitcoin a beaucoup servi au blanchiment d’argent et aux transactions frauduleuses sur le darknet, mais ce n’est pas la seule cryptomonnaie dans ce cas. Une évolution intéressante actuellement va totalement à l’encontre des valeurs défendues par les pionniers de la cryptomonnaie comme le groupe connu sous le pseudonyme de Sakashi Nakamoto. Alors que ce groupe prônait une indépendance des banques centrales, et donc des Etats qui définissent et garantissent la monnaie, ainsi que l’impossibilité de déterminer les origines d’une transaction (un peu comme à l’époque du troc), divers organismes ont récemment tenté de détourner ces objectifs pour qu’ils correspondent mieux à leurs propres visées.

Facebook avait tenté de définir une cryptomonnaie, le diem ou Libra, dont un consortium d’entreprises aurait garanti la stabilité (stablecoins). Ce projet semble actuellement au point mort, bien qu’officiellement toujours d’actualité. Notons qu’il s’agit dans ce cas déjà d’un détournement de l’objectif original du bitcoin, qui rejette la stabilité au profit de l’indépendance de toute autorité financière.

Récemment, la Chine a interdit les transactions en bitcoins et autres cryptomonnaies. Le gouvernement veut ainsi éviter les transactions non traçables (officiellement à la base de la corruption) et promouvoir les transactions classiques basées sur le yuan ou éventuellement le dollar authentifiées par une carte de crédit facilement traçable. Parallèlement, conscient sans doute que l’interdiction seule ne suffira pas, même avec un contrôle très sévère du darknet, le gouvernement travaille intensivement à la définition d’une cryptomonnaie nationale, le DCEP ou Digital Currency Electronic Payment. Connaissant un peu la technologie à la base de ce type de monnaie, et tenu au courant de la mentalité du gouvernement de Xi Jin Ping en matière de contrôle de sa population, on peut sans gros risque d’erreurs prédire que l’objectif principal du projet DCEP sera justement de garantir une forte dépendance de la cryptomonnaie au cours du yuan garanti par le parti communiste, ainsi qu’une traçabilité de tous les instants assurée par les mêmes moyens qui assurent la non-traçabilité du bitcoin ! Il n’y a en effet pas grand-chose à modifier à l’implémentation d’une cryptomonnaie pour que toute transaction soit immédiatement documentée auprès de l’éditeur de l’algorithme. Et par la nature même de la blockchain, cette action de traçage sera difficile à détecter. Ainsi, l’évolution des cryptomonnaies risque d’aller exactement à l’opposé des objectifs des inventeurs !

Malheureusement, il en va souvent ainsi dans le domaine de la sécurité informatique. On met sur pied un système pour garantir la confidentialité sur Internet (comme par exemple TOR, The Onion Router) et on se retrouve face à un réseau qui propose images pédophiles, réunions de hooligans, vente de drogues et escroqueries en tous genres (dark web, différent du darknet, bien que le plus souvent abrité par ce dernier). On traque les failles informatiques dans les logiciels, et certains profitent de cette découverte pour exploiter ces mêmes failles afin de provoquer des catastrophes ou espionner d’honnêtes citoyens pas toujours en accord avec des autorités par trop soucieuses de leurs propres intérêts.

Ce que l’on réalise dans un but de sécuriser peut le plus souvent être détourné pour servir des intérêts moins avouables; toute escroquerie sous-entend une certaine confidentialité, un certain anonymat. Garantir l’anonymat est sans doute rassurant pour l’utilisateur lambda qui ne souhaite pas que son partenaire sache qu’il consulte tel ou tel site Internet; mais c’est aussi une véritable invitation pour l’escroc qui souhaite s’enrichir facilement, espionner ses concitoyens, ou simplement détruire des ressources parfois vitales (en s’enrichissant au passage, pourquoi pas ?). Et ce n’est pas cette brillante mais infortunée Natalya Anissimova qui me contredira.

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Si Dylan…

Il y a une quarantaine d’années (j’étais jeune alors !), au mois d’avril ou mai, on se réveillait aux Monts vers 5 heures du matin avec les chants d’oiseaux omniprésents. Ce réveil en fanfare ornithologique n’était de loin pas l’apanage de la maison des Monts, située dans une clairière en pleine forêt : même dans le petit appartement situé au chemin de Bonne-Espérance que j’occupais en semaine, dans le vallon de la Vuachère à Lausanne, les oiseaux se manifestaient au printemps et réveillaient les habitants au son de leurs mélodies enjouées.

Depuis quelques années, s’il y a toujours des chants d’oiseaux au printemps aux Monts, la sérénade est devenue beaucoup plus discrète; il n’est même pas évident de compter sur les passereaux pour se réveiller de bon matin : il vaut mieux programmer son smartphone pour partir en promenade de bon matin. Quant à compter sur les chants d’oiseaux dans une région moins forestière, mieux vaut ne pas y songer. La raison en est bien sûr la diminution drastique du nombre d’oiseaux, et la principale cause de cette diminution n’est pas le réchauffement climatique, mais la baisse du nombre d’insectes, et corollairement un manque de nourriture pour les oiseaux. Pour donner un exemple, un couple de mésanges charbonnières a besoin, en période de nidification, de 500 chenilles par jour. Eliminer les chenilles à l’aide de pesticides revient à éliminer les mésanges charbonnières; lors de la controversée conquête de l’Ouest américain, les tuniques bleues n’ont pas fait autrement : ils ont massacré les bisons pour éliminer les amérindiens.

A cette même époque, lorsque je me rendais dans l’Hérault pour des visites familiales, il était nécessaire de s’arrêter relativement fréquemment pour nettoyer un pare-brise complètement maculé d’impacts d’insectes. Ceux qui se sont récemment rendus dans le Sud de la France peuvent en témoigner : les impacts d’insectes sur les pare-brise sont devenus relativement rares, et on peut assez couramment parcourir le trajet de Lausanne à Sète sans actionner le lave-glaces. D’aucuns diront que c’est plus confortable ainsi. Peut-être, mais c’est un appauvrissement : dans un désert, il y a peu d’insectes aussi.

Pourquoi cette disparition ? La réponse est bien connue, et a été rappelée le 16 septembre 2021 dans une émission de la série « Temps Présent » de la RTS : « Pesticides, à quand la fin du carnage ?« . L’usage généralisé d’insecticides dans l’agriculture est en passe de provoquer l’une de ces monumentales extinctions de masse dont notre planète Terre a déjà connu quelques exemples. La météorite qui a probablement exterminé (ou achevé, selon certains) les dinosaures à la fin du Crétacé a certes été plus brutale (plus de 20 milliards de bombes atomiques de type Hiroshima), et ses victimes plus volumineuses (la plupart des mammifères et des dinosaures), mais en termes de nombre d’êtres vivants, la dramatique réduction de la biodiversité actuelle est à moyen terme tout à fait comparable aux effets de l’astéroïde ayant causé l’impact du cratère de Chicxulub, dernière extinction de masse enregistrée avant nos jours.

L’agriculture se fonde sur trois produits (dits phytosanitaires, pour éviter le qualificatif de toxique, ou pire, de poison) de la chimie moderne : fongicide, herbicide et insecticide. Les trois produits sont éminemment nocifs, mais leur dangerosité est relativisée par l’industrie agro-alimentaire. La logique voudrait qu’un produit qui tue les insectes n’est pas inoffensif pour les autres êtres vivants. Ce qui extermine une chenille peut difficilement faire du bien à une abeille, et manger une chenille empoisonnée ne doit pas être forcément très bon pour la mésange charbonnière. Mais cette logique est systématiquement contredite par des rapports prétendument scientifiques commandés par l’industrie agro-alimentaire; et quand des personnes atteintes de cancers probablement causés par des produits phytosanitaires (comme les herbicides répandus par hélicoptère tout près d’habitations en Valais) intentent un procès, ils se retrouvent en face d’une armada d’avocats de haut vol contre lesquels l’argumentation des plaignants est pour le moins difficile (mais possible). C’est cette industrie, et non les paysans (qui font ce que l’on leur dit qu’il est bien de faire, et sont parfois pénalisés s’ils font autrement) qui fait planer un danger au moins aussi grand que le réchauffement climatique sur la vie sur Terre, et probablement à plus court terme. Elle cultive le déni comme cela a été déjà réalisé par le passé, dans le cas du scandale de l’amiante (notamment en France, où des scientifiques de renom, financés par les grands groupes industriels, ont nié la dangerosité du produit) ou dans le cas de la cigarette, dont les dangers ont été longtemps niés par l’industrie du tabac. Soit dit en passant, on peut d’ailleurs se poser des questions similaires pour la pollution électromagnétique, dont les hypothétiques dangers sont systématiquement tournés en ridicule par les opérateurs de téléphonie mobile.

L’industrie agro-alimentaire figure en bonne place dans les listes d’investissements des banques, en particulier des banques centrales. Elle est en bonne compagnie, avec les industries du pétrole et du charbon, entre autres. Des industries « durables » ? Telle n’est apparemment pas la préoccupation maîtresse des investisseurs, pour qui le seul objectif à considérer est le retour sur investissement. Certains commencent toutefois à se demander jusqu’à quel point le profit à court terme l’emporte sur la stabilité à moyen terme. Ainsi, les banques centrales (enfin, certaines d’entre elles, dont la Banque Centrale Européenne) sont en train d’élaborer des stratégies d’investissements durables. Elles ont fini par comprendre que continuer à investir dans le charbon ou dans des entreprises peu responsables constituait à terme un autogoal, dans le sens où le dérèglement climatique ou l’anéantissement de la biodiversité allaient forcément invalider les investissements par les catastrophes de plus en plus prévisibles engendrées. L’initiative me semble louable, et pour tout dire raisonnable, tant les catastrophes d’origine naturelles, le plus souvent associées au réchauffement climatique, vont dans les prochaines années plomber les investissements par des dégâts qu’il faudra bien réparer à grands frais, d’une manière ou d’une autre.

Remarquons au passage la remarquable et remarquée indifférence de la Banque Nationale Suisse. Hormis les entreprises politiquement très incorrectes (esclavage, travail des enfants, etc…) elle ne connaît guère de conditions limitant les investissements. Le mandat est de réaliser des investissements rentables, même et surtout à court terme, et pour le reste, qu’importe. Reconnaissons que la Banque Nationale Suisse fait cela très bien, avec une masse pécuniaire de tout de même 270 milliards de francs. Il est vrai que relativement à la dette des Etats-Unis, (plus de vingt mille milliards !) ce sont des broutilles, mais bon… Toutefois, je trouve navrant, pour ne pas dire révoltant, que mes impôts servent aussi à investir dans le charbon et le glyphosate.

Reste que l’usage généralisé de pesticides dans le domaine agricole constitue une menace très sérieuse à court terme; probablement plus sérieuse et plus difficile à éviter que le réchauffement climatique. Une initiative populaire visant à l’abandon de ces produits nocifs a récemment été balayée en Suisse, si bien qu’il va falloir encore patienter. Les abeilles et les oiseaux pourront-ils patienter également ? Et pendant combien de temps ? Pour certaines espèces, c’est déjà trop tard, et pour nombre d’autres, les temps sont durs.

Si Dylan le voulait, il pourrait, bien mieux que moi, rajouter une strophe à Blowin’ in The Wind aujourd’hui…

How many years will it takes from now on,

Until the last birds vanish ?

The answer my friend, is blowin’in the wind…

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Répétition

C’était il y a une trentaine d’années, lors d’un cours de répétition; une de ces obligations militaires périodiques en Suisse, dont le but espéré est de vous faire « répéter » les gestes militaires que l’on vous avait inculqués lors de votre école de recrues, lorsque vous aviez une vingtaine d’années. Je participais à ce cours comme simple soldat (« troufion ») des transmissions radio d’état-major. Ces cours s’étendent sur trois semaines, pendant lesquelles nous sommes censés exercer nos connaissances de transmetteurs radio en environnement militaire. Ceci implique l’utilisation de téléscripteurs, de codeurs, d’émetteurs-récepteurs, et d’antennes pour transmission en ondes courtes (donc de dimensions respectables !).

Je me souviens de ce cours de répétition en particulier par le fait remarquable qu’il ne s’y est rien passé. Mais alors rien de chez rien ! Pendant trois semaines, les deux cents personnes présentes se sont levées à cinq heures du matin et couchées à minuit sans avoir fait quoi que ce soit d’autre que respirer, se sustenter et tuer le temps. Bon, nombreux sont ceux d’entre vous qui me diront que ce n’est pas un scoop, du moment que l’on parle de service militaire. J’abonde dans leur sens, mais à ce niveau de non-activité, je ne suis pas sûr qu’ils en aient fait l’expérience.

Pourtant, le séjour ne s’annonçait pas forcément détestable : l’endroit se situe au bord du lac de Gruyères, une jolie région aux alentours de la ville de Bulle; sympa pour des promenades au bord du lac et dans les Préalpes. Sauf qu’en octobre, il y a parfois du brouillard. Pas autant qu’à Londres, mais presqu’aussi épais. Et il y a moins de musées à visiter ou de pubs à fréquenter qu’à Londres. Beaucoup moins. Détail intéressant, l’armée suisse avait depuis peu pris conscience du fait qu’une transmission radio en ondes courtes renseignait immédiatement et très précisément l’ennemi sur la position géographique de l’émetteur; en conséquence de quoi, l’état-major de ladite armée suisse avait interdit toute transmission radio dans le cadre militaire; mais bon, ils avaient juste oublié d’assigner de nouvelles tâches aux responsables des transmissions radio, et d’annuler les investissements consentis pour la maintenance de cette arme promue obsolète. En conséquence de quoi, les personnes concernées avaient interdiction de faire ce pourquoi elles avaient été formées, bien qu’elles disposassent de matériel technique probablement obsolète, mais parfaitement fonctionnel et correctement entretenu. Donc, le cours de répétition auquel j’ai participé à cette époque avait interdiction de répéter. En d’autres termes, on était là pour ne rien foutre. Désolé pour la vulgarité mais je peine à trouver d’autres termes pour exprimer la chose : convoqués pour ne rien foutre.

Bien sûr, on a fait un peu d’école de section : gauche-droite, en colonne par quatre, garde-à-vous, repos, rompez… Et on a un peu marché, surtout le jour où tout le monde s’est paumé dans le brouillard, sauf ceux qui ont trouvé par hasard le bistrot du coin. A part ces activités très constructives, on a surtout fait la pause. Jamais dégusté autant de cafés double crème, d’apéros et de fondues fribourgeoises : c’est bon, mais trois semaines de ce régime, bonjour les dégâts et les pantalons que l’on ne ferme plus !

Chose curieuse, vingt ans avant ce cours de « répétition » (donc cinquante ans avant « maintenant », soit en 1970), lors de mon école de recrues, un de mes camarades plutôt frondeur et contestataire avait interpellé un de nos instructeurs avec une question qui m’a parue subversive sur le moment, mais tout à fait pertinente par la suite : Si on émet un signal radio pour qu’il soit reçu par un destinataire, un autre récepteur peut détecter ce signal et par triangulation, localiser l’émetteur (D’ailleurs, Tintin l’avait déjà suggéré dans « Le Lotus Bleu » en 1936, mais les états-majors et les instructeurs militaires ne lisent probablement pas Tintin) et si nécessaire le détruire. Corollaire, pourquoi émettre ? La réponse avait été péremptoire, comme toute réponse militaire : Les transmissions radio, de par leur flexibilité de mise en œuvre, et la facilité de leur configuration, représentent l’avenir des transmissions militaires à moyen et long terme. Point barre.

Bon, je ne vais pas vous ennuyer plus longtemps avec mes cours de répétition inutiles, surtout qu’il y en a eu d’autres, mais avec tout de même moins de brouillard (et corollairement moins d’apéros). Je me demande juste si l’armée suisse planifie systématiquement ses investissements de la même façon que pour les transmissions radio d’état-major dans les années soixante. Madame Amherd a assuré par exemple que l’avion de combat choisi en 2021 était le meilleur « techniquement ». Une personne de mes connaissances (personne assez fortunée, il est vrai) a récemment fait l’acquisition d’une Ferrari. Il m’a assuré que « techniquement » c’était le top du top. J’en suis persuadé. Mais bon, il fait Lausanne – Genève retour tous les jours, et aux heures où il fait le parcours, il est plus souvent à cinquante à l’heure (voire à zéro) qu’à cent vingt, pour ne rien dire des trois cents kilomètres heures que son bidule peut aisément atteindre. A mettre en regard des performances d’un Rafale ou d’un F35 A à l’intérieur des (étroites) frontières de la Suisse, peut-être ?

Pour ne rien dire des considérations écologiques…

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Démocratie et écologie

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, IPCC en anglais), dans son rapport de 2021, avertit que la vie sur notre planète sera profondément modifiée d’ici 2050, quelles que soient nos hypothétiques réactions relativement au réchauffement climatique. Le mouvement d’activistes écologistes Extinction / Rébellion ou XR (dans le cadre de cet article, la section suisse de ce mouvement international) et quelques autres mouvements de ce genre ont, coïncidence sans doute, déposé une requête pressante auprès du gouvernement fédéral pour déclarer l’urgence climatique. Cette requête est accompagnée d’une menace explicite d’actions directes de la part du groupe : « XR présente son action comme un « dernier appel avant la rébellion« . Sans réponse adéquate du Conseil fédéral d’ici au 20 septembre, les militants de XR annoncent à regret être moralement contraints de paralyser pacifiquement la plus grande ville du pays à compter du 3 octobre« . C’est une manière comme une autre d’interpréter un processus démocratique; mais selon ma compréhension, il s’agit plutôt d’un ultimatum, voire d’une forme de chantage. Quoi qu’il en soit, déclarer l’Etat d’Urgence est une manière d’abolir le processus démocratique, et ceci interpelle…

L’urgence climatique permettrait au gouvernement de prendre des mesures exceptionnelles sans avoir besoin d’en référer au peuple ou aux partis politiques. Ce que demande le mouvement d’activistes écologistes correspond à renoncer au processus démocratique dans un secteur particulier en raison de la situation climatique, jugée à juste titre pour le moins préoccupante. Une urgence sécuritaire permet donc de renoncer au processus démocratique : cela figure dans la Constitution, et c’est sans doute justifié. Reste à savoir ce qu’est une urgence, et qui décide de l’état d’urgence ainsi que des mesures à prendre.

On connaît bien la notion d’urgence liée à un risque sécuritaire : cela fait depuis février 2020 que nous vivons (de manière parfois décousue) une situation d’urgence liée au coronavirus SARS-CoV-2, qui provoque la maladie CoVID-19. La situation d’urgence permet au conseil fédéral de prendre le pouvoir sur les représentants des cantons et du peuple afin de décider de manière plus efficace et mieux coordonnée des mesures à prendre pour le bien du plus grand nombre, ou des plus fragiles d’entre nous. Il s’agit d’une violation (prévue par la Constitution) des règles démocratiques usuelles de la Suisse. D’ailleurs, certains n’ont pas manqué de relever ce qu’ils ont qualifié d’abus de pouvoir : Christoph Blocher, notre Reblochon national (de plus en plus faisandé, il est vrai), n’a ainsi pas hésité à qualifier le ministre Alain Berset, en charge de la Santé, de dictateur.

Le prétexte de sécurité publique est très commode pour s’affranchir de règles démocratiques parfois gênantes. Dans le cas d’une pandémie, il paraît tomber sous le sens qu’une autorité supérieure doive se préoccuper de la coordination des mesures à prendre sans qu’il soit nécessaire de passer devant un parlement ou même le peuple souverain pour chaque décision à prendre. Le déni du droit démocratique semble donc justifié, encore que l’on puisse se demander si c’est bien le conseil fédéral qui doive prendre ce pouvoir; mais c’est là une règle établie par la Constitution; à charge du Conseil Fédéral de consulter d’autres autorités (CE, OMS) pour éventuellement se coordonner avec ces dernières.

On comprend bien qu’une menace exceptionnelle exige des mesures exceptionnelles : un pays en guerre peut difficilement rester démocratique dans ses actions militaires. La difficulté est de mesurer le caractère exceptionnel d’une situation : c’est une évaluation faite par le pouvoir, donc forcément soumise à un certain arbitraire de jugement par l’équipe en charge du pouvoir. Ainsi, Donald Trump a-t-il abondamment joué avec les règles démocratiques en vigueur lors de son mandat de président des Etats-Unis, allant même jusqu’à risquer de provoquer une déstabilisation de l’Etat pour tenter de conserver le pouvoir en dénonçant une fraude imaginaire du parti d’opposition décrit comme socialiste, voire communiste pour l’occasion.

Dans le cas des activistes du climat comme Extinction/Rébellion, ils jugent la situation climatique tellement grave que cela justifie une action d’urgence de la part des autorités (suisses en l’occurrence) au nom de la sécurité de la population, et au mépris des divers climatosceptiques ou je-m’en-foutistes qui pourraient émettre des objections dans un processus démocratique classique. Sur le fond, il est difficile de leur donner tort, encore qu’on puisse objecter que leur action ne concerne que la Suisse, alors que le problème qu’ils adressent est autrement global. En pratique, ces mêmes activistes ont contribué à rejeter la loi sur le CO2, pour le plus grand plaisir des climatosceptiques, sous prétexte que cette loi était insuffisante. On se demande bien ce qui se passerait si, à supposer que l’Etat d’Urgence soit déclaré, XR estime que les mesures du gouvernement sont insuffisantes. La rébellion deviendrait-elle une révolution ?

L’urgence climatique représente un type d’urgence nouveau, et à vrai dire, on n’est pas certain de ce que désirent réellement les lanceurs de cette espèce d’ultimatum. Si l’on instaure l’urgence climatique comme ils l’exigent, qui sera responsable des mesures à prendre ? Le Conseil Fédéral a proposé une loi (la loi sur le CO2, justement) qui a été rejetée par le peuple (et accessoirement aussi par XR). Une loi plus stricte n’a en l’état guère de chance d’être votée, et des décisions dans le cadre de l’application de l’urgence climatique en Suisse seraient probablement très mal accueillies, et causeraient des dommages difficiles à évaluer en l’état. Dans tous les cas, le processus démocratique cher aux Helvètes serait profondément remis en question : apparemment écologie et démocratie ne font pas vraiment bon ménage. D’ailleurs, le mouvement des gilets jaunes, en France, est là pour en témoigner : le mouvement est né à la suite de mesures (pas forcément adroites, mais c’est là un autre débat) qui se voulaient écologiques. L’écologie et la démocratie seraient donc incompatibles ? Faut-il absolument un pouvoir central autoritaire et répressif pour sauver la planète ? Ce n’est pas mon opinion; mais il semble bien que certaines personnes (et les mouvements écologistes, en l’occurrence) souhaitent une gouvernance plus musclée, voire un pouvoir de décision unilatéral, sur ce sujet.

D’un autre point de vue, la Suisse émet en une année 46,2 millions de tonnes d’équivalent CO2, alors que la planète dans son ensemble en émet 32,4 milliards. En d’autres termes, la planète émet en une demi-journée ce qu’émet la Suisse en un an, ce qui revient à dire qu’arrêter toute émission de CO2 en Suisse demain n’a pratiquement aucune influence sur le bilan final. Le combat des activistes du climat en Suisse, s’il conserve toute sa légitimité théorique, n’a aucune espèce d’utilité pratique. Ce n’est pas en Suisse qu’il faut se battre, mais dans le cadre de l’Europe et des organisations internationales. Bon, c’est vrai que se coller les mains à l’entrée de Zhongnanhai à Beijing (la Chine est l’un des plus gros contributeurs au bilan CO2 de la planète), ca doit être assez mal vu, en tous cas plus risqué que la même démarche à Londres ou à Berne. Mais tout de même, agir en Suisse sur cette problématique semble assez anecdotique au vu du résultat chiffré éventuellement espéré. Il est vrai que des initiatives similaires sont lancées par XR un peu partout en Europe; mais à ma connaissance, il n’y en a guère (ou alors anecdotiques) dans les pays « gros pollueurs » comme les Emirats Arabes ou la Chine, pour ne citer que ceux-ci.

Cela me rappelle l’un de mes étudiants qui avait, dans le cadre de son travail de bachelor, « optimisé » son logiciel en insérant des bouts de code en langage d’assemblage (donc pratiquement en langage machine, rendant le code difficilement transportable) pour en améliorer les performances de vitesse. Il nous avait vanté les mérites de ses travaux lors de la défense, en montrant le gain de temps d’exécution (de l’ordre de la centaine de millisecondes) qu’il obtenait grâce à ses efforts. Malheureusement pour lui, il avait utilisé dans une autre partie de son logiciel un algorithme de tri certes assez évident, mais totalement inadapté (tri à bulles ou bubblesort) qui lui coûtait des dizaines de secondes lors de l’exécution avec des données volumineuses ! Je lui avais fait remarquer que l’optimisation d’un processus commence par en identifier les parties les plus problématiques, et à s’attaquer à celles-ci en priorité.

Extinction/Rébellion effectue des actions de choc dans le monde entier, mais essentiellement dans les démocraties occidentales; bien sûr, c’est le principe même de la démocratie (qui implique, théoriquement du moins, la liberté d’expression) qui leur permet ces actions, sans qu’ils risquent des sanctions qui pourraient les priver de libertés, voire plus encore; mais paradoxalement, leurs actions vont dans le sens d’une restriction des droits démocratiques dont ils font usage : cela s’appelle « cracher dans la soupe ». Voire même « se tirer une balle dans le pied ».

Les auteurs de la manifestation contre les investissements de la Banque Nationale Suisse me semblent plus raisonnables, et plus susceptibles d’influer positivement à moyen terme sur l’utilisation excessive des ressources fossiles (non renouvelables) de la planète. Un de mes anciens collègues, chercheur dans le domaine des énergies renouvelables, disait en substance que si les investissements dans la recherche et le développement des énergies alternatives étaient seulement équivalents à ce que l’on investit actuellement dans la recherche de ressources fossiles, le pétrole et le charbon seraient totalement abandonnés en moins de dix ans, parce qu’insuffisamment rentables. Un tel effort suffirait à conférer aux technologies émergentes une maturité industrielle qui rendrait l’exploitation des ressources fossiles économiquement inintéressante, sans même recourir à des taxes dissuasives. L’ex-collègue en question poursuivait son argumentation par une quantité d’exemples intéressants, mais qu’il serait fastidieux de citer ici.

Je n’ai pas les compétences nécessaires pour juger de la validité de cette affirmation, peut-être pas tout à fait impartiale; mais au vu de l’ordre de grandeur actuel des investissements en question, je pense que l’affirmation est loin d’être invraisemblable. En conséquence, réorienter les investissements des grandes banques nationales ou privées vers le développement des énergies renouvelables constitue probablement un moyen fort efficace pour limiter les émissions de gaz à effet de serre liées aux énergies fossiles. Dans cette perspective, la Banque Nationale Suisse représente un investisseur doté d’un pouvoir certain. Et il n’est probablement pas nécessaire de recourir à des régimes autoritaires, voire à des processus antidémocratiques pour parvenir à des résultats tangibles dans des délais raisonnables en utilisant ce levier. Mais qui saura actionner ce levier ? Qui osera modifier les stratégies d’investissement traditionnelles de la Banque Nationale Suisse, et accessoirement influencer celle des autres banques helvétiques ?

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Exploit

Un exploit est, dans le domaine de la sécurité informatique, un élément de programme permettant à un individu ou à un logiciel malveillant d’exploiter une faille de sécurité dans un système informatique. (Wikipédia)

Natalya Anissimova s’assit sur son banc préféré, à la pointe de l’île Vassilievski, pour contempler la Neva et sa ville natale de Saint-Petersburg. En cette soirée de fin juin, le soleil n’était pas encore couché, bien qu’il fût largement passé vingt-deux heures, et les rayons de lumière orangée éclairaient le palais d’hiver et le musée de l’Hermitage d’une lumière magique.

Hermitage et la Neva, de l’île Vassilievski

Les « orgues de Poutine », jeux d’eau parfaitement mis en valeur dans la lumière rasante, dansaient leur ballet quotidien.

Les « orgues de Poutine »

Elle venait très souvent le soir à cet endroit, après les journées chargées (dix à douze heures par jour parfois) auxquelles elle s’était habituée. Mais ce soir, elle n’était pas vraiment d’humeur à goûter la douceur de la soirée; les évènements récents tendaient à remettre en question tout ce pourquoi elle s’était investie depuis le début de sa carrière professionnelle.

Après des études brillantes à Saint-Petersburg, elle avait pu, grâce à ses résultats exceptionnels, trouver une bourse pour faire un doctorat aux Etats-Unis, au M.I.T. Sa thèse, « Methods for algorithmic determination of security flaws in a computer program » avait eu un gros retentissement, et la défense de son travail avait attiré quelques éminentes personnalités des GAFAM et même du gouvernement des Etats-Unis, intéressés au plus haut point par un algorithme qui pourrait traquer les failles dans un programme. Suite à cette présentation, on lui avait proposé un poste de cheffe de projet à Mountain View (CA), chez Google, où elle avait contribué au développement du système d’exploitation Android, spécialement dans le domaine de la sécurité. Quelques années plus tard, lorsque son employeur avait décidé de faire du logiciel IntelliJ IDEA la base de développement des programmes pour Android (Android Studio), elle avait saisi l’opportunité offerte pour revenir à Saint-Pétersbourg , la société JetBrains, conceptrice du logiciel en question, étant sise dans sa ville natale où elle avait gardé ses racines et ses amis. Elle avait d’abord joué un rôle de coordinatrice entre les équipes de développement de Google et celles de JetBrains pour le développement des modules spécifiques à Android, puis avait rapidement su se rendre incontournable, et ses connaissances très exhaustives en cybersécurité l’avaient vite fait connaître dans les conférences du monde entier.

A trente-quatre ans, elle avait décidé, avec quelques collègues, de créer sa propre entreprise. L’un des produits phares qu’elle souhaitait réaliser était la matérialisation de sa thèse de doctorat, sur laquelle elle n’avait jamais cessé de plancher. A sa durable surprise, elle n’eut pas trop de peine à trouver des investisseurs, bien au-delà de ses besoins estimés. Les investissements provenaient de diverses sources, principalement de banques et assurances, mais sur le moment, elle n’avait pas trop prêté attention aux motivations des investisseurs, toute à la joie de voir son projet démarrer avec tant de promesses. L’une des premières réalisations de la jeune entreprise fut justement le produit « Dark Sun », une suite d’outils informatiques constituant une précieuse aide à la détermination d’éventuelles failles de sécurité d’une application et permettant d’en caractériser l’importance et le domaine applicatif. Ce logiciel assit durablement la réputation d’excellence de Natalya et de sa société auprès des spécialistes internationaux de la sécurité, bien qu’il fût encore loin d’automatiser complètement le processus de localisation de failles informatiques.

Elle se retrouvait maintenant à la tête d’une société bénéficiaire composée d’une équipe de cinquante experts en cybersécurité, avec des contrats signés pour les trois prochaines années. Natalya avait tout réussi jusqu’ici, sans que sa vie n’eût été facile pour autant : le travail abattu était en proportion des résultats obtenus.

Il y a quelque mois, elle avait décroché deux mandats très intéressants, aussi bien financièrement que techniquement.

Le premier mandant était l’Union Européenne (en tous cas, le chef de projet se réclamait de cette autorité avec toutes les identifications nécessaires) qui voulait faire vérifier un programme pour smartphone à l’aide de la suite logicielle Dark Sun. Il s’agissait rien moins que de la nouvelle version du certificat COVID, qui avait dû être profondément modifié suite à l’apparition du variant mu contre lequel les vaccins les plus efficaces, basés sur la technologie ARN-messager, éprouvaient de sérieuses difficultés. Divers pays hors UE (le Royaume-Uni, la Norvège, la Suisse) allaient également adopter ce logiciel, ce qui faisait pas mal d’argent lorsque l’on tarifie ses services en proportion du nombre de licences installées ! Le genre de mandat que l’on ne peut pas refuser, en ayant de plus l’impression de faire une bonne action en permettant d’améliorer la qualité d’un logiciel appelé à une large distribution.

Le deuxième mandant se réclamait d’un gouvernement d’un pays du Moyen-Orient, qui désirait trouver un moyen d’inoculer un virus informatique (un spyware) dans des smartphones. L’objectif annoncé était de lutter contre la grande criminalité et contre le terrorisme en contrôlant les communications des suspects. L’équipe de Natalya était un peu dubitative vis-à-vis de ce mandat, mais il était très bien payé, et le mandant semblait tout à fait « clean », après les réserves que l’on peut mettre ou non sur les mandats d’états…

Natalya et son équipe avaient parfaitement exécuté les deux mandats, et délivré des résultats très positifs en un temps record. Le rapport de Natalya concernant le mandat de l’Union Européenne mettait en évidence l’existence de plus de cent failles logicielles, pour la plupart bénignes, sauf deux d’entre elles qualifiées de graves, et assorties de la mention « A corriger impérativement avant toute publication ». C’est trois semaines après la remise de ce rapport que le nouveau certificat COVID fut distribué dans les pays de l’UE et les pays associés. Natalya n’eut pas connaissance de la nature des correctifs apportés, si tant est qu’il y en eût (et la suite de l’affaire montra que l’objectif poursuivi par le mandant était de découvrir les failles en vue de les exploiter, non de les corriger).

Deux semaines plus tard, ce fut le chaos dans ces pays, bien que d’autres pussent être marginalement concernés. De fait, en raison de l’interconnexion des moyens de communication, on ressentit les effets de la catastrophe même à Saint-Petersbourg, mais les effets les plus délétères purent être maîtrisés à temps. En Europe, des hôpitaux et des administrations virent toutes leurs données anéanties; les moyens de communication (physiques et médias) furent dans une très large mesure rendus inopérants, l’approvisionnement en énergie fut coupé dans de très larges secteurs, le trafic de paiement devint inopérant, les soutiens logistiques, privés de toute référence, ne parvinrent plus à livrer aux détaillants des marchandises qui n’arrivaient même plus chez le grossiste. Ces difficultés allèrent en augmentant dans les jours qui suivirent, les difficultés de communiquer rendant les actions concertées difficiles. Cette action d’envergure continentale fut revendiquée par un groupe terroriste jusqu’alors inconnu, qui se baptisait « Jannah » (le paradis des croyants) et qui semblait disposer de moyens financiers quasi illimités. Les ressources de communication détruites ne permettaient pas aux enquêteurs de fonctionner normalement, et pour l’instant, il fallait se borner à essayer de venir en aide aux plus nécessiteux, lorsqu’on parvenait à les identifier et à les localiser.

Après coup, Natalya et son team avaient analysé le modus operandi du virus informatique; un virus du type « rançongiciel ou ransomware » (rendant les données de l’utilisateur inexploitables, mais sans demande de rançon associée) avait été inoculé aux smartphones via une faille du certificat COVID de l’UE. Le virus était à action différée : il exploitait une faille de type zero-day (découverte par l’équipe de Natalya, justement, et catégorisée comme grave) pour s’installer et s’activer ; ensuite, dans un premier temps, il se comportait comme un spyware qui « apprenait » les ressources disponibles, les mots de passe et les identifications biométriques de l’utilisateur. A l’heure H, au jour J, il encryptait, renommait ou détruisait les ressources ainsi découvertes. L’action différée lui permettait de ne pas être détecté avant d’être diffusé très largement, vu l’installation quasi obligatoire du logiciel en Europe. De fait, de nombreux responsables de services informatiques (du moins, ceux qui utilisaient le même smartphone pour leur activité professionnelle que dans le privé), avec des responsabilités très conséquentes et des droits d’accès étendus à des ressources vitales avaient été infectés, ce qui avait rendu les effets du rançongiciel extrêmement délétères en anéantissant des ressources informatiques à très haut niveau, dans des bases de données d’importance capitale, accessibles sur les clouds. Et c’était indubitablement Natalya et son équipe qui avaient rendu l’exploit possible en découvrant la faille, alors que leur travail était en principe consacré à l’amélioration de la sécurité informatique ! L’injection du virus dans le smartphone avait également été accomplie grâce aux indications de son équipe. Le fait qu’elle eût été trompée à chaque fois par le mandant (sur son identité, certainement, et sur ses motivations) n’était qu’une faible consolation pour Natalya. Elle se sentait responsable de nombreux morts, d’un dramatique effondrement économique qui allait dans le proche futur entraîner plus de morts encore, et d’une mobilisation armée qui allait elle aussi faire de nombreuses victimes.

Il était à prévoir qu’elle recevrait bientôt la visite du FSB (Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie, successeur du KGB); elle avait à cet effet devancé les enquêteurs en signalant une possible responsabilité de sa société dans cette affaire, tout en assurant l’autorité de sa pleine collaboration dans la recherche des vrais coupables. Elle s’attendait à se retrouver devant des auditoires peu agréables ces prochains jours, et son futur emploi du temps paraissait rien moins que compromis. Mais c’est surtout la ruine de son œuvre et des illusions qu’elle avait entretenues sur le rôle qu’elle pensait jouer dans la société qui la désespérait, pour ne rien dire des remords qu’elle ressentait à la lecture des bilans encore très incomplets qui fuitaient d’une région économiquement dévastée.

C’est pourquoi ce soir-là, la beauté de la Neva au soleil couchant ne parvenait guère à dérider Natalya.

Natalya n’existe pas vraiment; ou plutôt, il doit exister nombre de spécialistes en Russie ou dans les pays baltes (ces nouveaux paradis de l’informatique) qui pourraient se reconnaître dans le parcours de Natalya. Et on n’a pas encore, à ma connaissance, inventé d’algorithme capable de déterminer des failles de sécurité dans un programme informatique (et si on en inventait un, je ne pense pas que je serais le premier averti !). Et a fortiori, de catégoriser et de qualifier ces failles. Mais certaines sociétés (comme l’israélienne NSO Group, éditeur du logiciel espion Pegasus ) se sont fait une spécialité de l’exploitation de vulnérabilités zero-day (des failles pas encore documentées). S’ils n’ont pas développé un logiciel permettant la découverte de ces failles, ils ont à tout le moins développé une certaine expertise dans ce domaine, ainsi que dans celui d’exploiter les failles découvertes dans le but de lancer des logiciels espion. Et à l’heure de rédiger ces lignes, je n’ai pas connaissance de variant mu de SARS-Cov-2. Mais je ne suis pas pressé d’acquérir cette connaissance, encore que la réticence de certains à se faire vacciner puisse avoir une telle conséquence.

Une telle attaque, avec des effets aussi délétères que ceux décrits ici, est actuellement techniquement possible, encore qu’il semble difficile de réunir les compétences techniques, l’argent et les opportunités pour réaliser une action d’une telle envergure et d’une portée aussi vaste. Mais un état suffisamment puissant pourrait sans doute envisager la chose; je ne suis d’ailleurs pas persuadé d’être le premier à y songer. Ou plutôt, pour m’exprimer autrement, je me demande quel département de la sécurité de quel état n’y a pas encore songé. On m’a bien parlé d’un pays où le/la ministre de la défense continue à utiliser son smartphone privé pour communiquer à son état-major le choix du prochain avion de chasse américain qu’ils vont acheter pour répondre à toutes les menaces étrangères. Mais c’est probablement de la science-fiction.

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Evaluations

L’habitude d’évaluer tout et n’importe quoi est profondément installée dans la nature humaine, et ce depuis des temps immémoriaux. On évalue la beauté et l’élégance d’une femme, la compétence de la direction d’une entreprise, le confort d’un hôtel ou la qualité du repas dans tel ou tel restaurant.

Après vingt ans d’enseignement, cette procédure d’évaluation ne me dérange pas : on peut discuter du procédé consistant à noter arithmétiquement une prestation ou un niveau de compétences, mais à un moment ou l’autre il devient nécessaire de décider si ce niveau est considéré comme suffisant ou insuffisant. Internet et les applications pour smartphones ont rendu les procédés d’évaluation à la fois faciles et omniprésents : tout est matière à évaluation pour un outil comme Google Maps : un restaurant, un camping, un supermarché… Dès que l’algorithme est parvenu à vous géolocaliser de manière suffisamment voisine d’un point d’intérêt, il vous gratifie d’une notification du genre « Qu’avez-vous pensé de XXX ?« . Il vous propose de l’évaluer sur une échelle de 1 à 5 étoiles, et d’y associer un commentaire. Mais l’algorithme est loin d’être infaillible; il est même, par certains côtés, assez primitif. Ainsi, il ne tient pas compte de la durée pendant laquelle les géolocalisations correspondent, ni de la nature du point d’intérêt, ce qui ne lui permet pas de juger de la pertinence de la question qu’il vous pose. Ainsi, un restaurant devant lequel on passe 5 ou 6 secondes ne devrait pas entraîner une demande d’évaluation, car visiblement l’utilisateur ne s’est pas attardé suffisamment pour émettre une opinion pertinente pour le cas d’un restaurant. D’autres outils que Google Maps, plus dédiés, comme TheFork ou tripadvisor se consacrent à des thématiques particulières, et ont des comportements plus appropriés, mieux adaptés à l’environnement évalué.

Récemment, Google Maps m’a demandé ce que je pensais d’un restaurant que je connais, situé dans les Préalpes Vaudoises, mais que je n’ai jamais visité. Il se trouve que la route d’accès aux stations touristiques passe tout près du restaurant, ce qui a trompé le programme de géolocalisation. J’ai voulu faire comprendre à l’algorithme que je n’étais jamais allé en ce lieu, mais je n’y suis apparemment pas parvenu; pire, suite à une fausse manœuvre, une évaluation a été publiée accidentellement, avec une étoile et un commentaire « Jamais allé« . Quelques jours plus tard, je reçois (via mon site web, celui que vous consultez actuellement, accessible à chacun, et qui a finalement été retrouvé assez aisément par le responsable de l’établissement) un email d’un inconnu qui me demande de le rappeler d’urgence (en fait deux messages, car dans un premier message, il avait oublié de préciser à quel numéro le rappeler !). Un peu méfiant, je le contacte en dissimulant mon numéro d’appel, et c’est le patron du restaurant en question qui commence à me reprocher vertement l’évaluation scandaleuse (une seule étoile sur cinq) que j’ai osé commettre. Impossible de lui expliquer la situation, il est très énervé, et répète inlassablement sur un ton à la fois agressif et larmoyant que je lui fais un tort énorme, que je ruine ses efforts incessants et que je mets son existence en danger. Il cherche à me faire venir dans son bistrot à tout prix pour que je révise mon jugement à son égard. Un peu abasourdi par l’insistance, voire l’agressivité du propos, je parviens finalement à me défaire de cet interlocuteur vindicatif, et j’ai par la suite supprimé l’évaluation malencontreuse. Mais le fait est que pour ce patron de bistrot, les évaluations de Google Maps ont une importance considérable, comparable aux points du Gault et Millau ou aux étoiles du Michelin, pour lesquelles quelques grands chefs se sont suicidés. Je n’ose imaginer la réaction de ce monsieur si un jour Gault et Millau lui fait des misères !

Une telle réaction de la part d’un restaurateur interpelle : pourquoi accorder tant d’importance à une évaluation générique comme celle de Maps, qui se préoccupe aussi bien la supérette du coin que des hôtels de troisième catégorie ? Pourquoi s’en prendre aussi agressivement à l’auteur de l’évaluation qui de son propre aveu n’a jamais mis les pieds dans l’établissement incriminé ? Il semblerait plus logique, si réaction il doit y avoir, de s’adresser au responsable de l’évaluation de manière positive et pondérée, en l’invitant à venir réviser son jugement sur place. Une réaction courroucée et presque vindicative va plutôt inciter l’interlocuteur à laisser tomber et à ne surtout jamais mettre les pieds dans un établissement où sévit un patron aussi irritable. C’est d’ailleurs ce que je compte faire, après avoir effacé l’appréciation faisant l’objet du litige.

Cette réaction est sans doute significative de l’influence que peuvent avoir les sites Internet (et en particulier les réseaux sociaux) sur certaines personnes, peu à même de relativiser des opinions postées souvent de manière peu réfléchie sur Internet. Des gens qui prennent toute critique les concernant au premier degré, et qui sont susceptibles d’être profondément perturbés par un « post » même plutôt anodin. D’ailleurs, le restaurateur en question a prétendu avoir mal dormi, et son épouse également, suite à mon évaluation. Si c’est vrai, je crains qu’il ne souffre d’insomnies chroniques ! Et pas seulement par ma faute.

Accessoirement, ceci m’a valu en l’occurrence l’ennui d’une réaction disproportionnée (du moins à mon humble avis) et d’une discussion peu agréable. De quoi regretter de donner son avis en divulguant suffisamment d’informations pour qu’il devienne possible de retrouver sa propre identité !

Bien sûr, je pourrais évaluer de manière anonyme, en utilisant un pseudo improbable, ce qui m’eût évité ce genre d’incident fâcheux (et corollairement augmenté la frustration du patron du restaurant, je suppose), mais je considère que l’anonymat sur Internet n’est pas une bonne chose, bien que se fabriquer une fausse identité numérique constitue une démarche assez aisée à réaliser. Même si je peux comprendre que tel citoyen mécontent qui désire exprimer sa mauvaise humeur à l’égard d’un gouvernement autocratique et prompt à la répression préfère ne pas pouvoir être identifié trop aisément. Ceci dit, l’anonymat sur Internet n’est pas facile à garantir vis-à-vis de l’autorité, même en utilisant des réseaux privés virtuels (VPN). Les fournisseurs de service octroient des adresses IP traçables, et que l’autorité peut réclamer si nécessaire, même dans les pays les plus démocratiques qui soient. A partir des données en possession du fournisseur de service, il est le plus souvent facile de remonter à l’adresse de l’auteur de la connexion.

Il faut recourir à des moyens plus sophistiqués (et donc plus difficiles d’accès), comme TOR (The Onion Router), pour tenter de protéger sa propre identité vis-à-vis de l’autorité. Mais vis-à-vis de votre interlocuteur de chat, un simple anonymat basé sur une fausse identité peut s’avérer très nocif, car il permet des jugements peu flatteurs et du harcèlement en relative impunité.

A mon humble avis, toute critique effectuée en ligne devrait être signée; mais voilà : Internet ne dispose pas d’un protocole de base requérant une authentification, et il faudra sans doute encore pas mal d’années pour que chacun dispose d’une identité électronique réellement utilisable. Et sans doute faudra-t-il encore davantage de temps pour que cette identité électronique devienne une condition incontournable à l’accès à des services réseau (si tant est qu’un consensus puisse se dessiner autour d’une telle nécessité). De beaux jours en perspective pour les médisants de tout poil (et accessoirement pour les spammeurs et pirates informatiques). Mon interlocuteur courroucé a du souci à se faire…

En attendant, apprendre à tout un chacun à mieux se comporter vis-à-vis de services en ligne ne serait pas inutile. Cela permettrait peut-être à certains de prendre la distance nécessaire par rapport à ce qu’affiche leur smartphone bien-aimé, et à être plus prudents lorsqu’ils répondent à une sollicitation, même provenant d’une source apparemment sûre. Et ceci dès l’école primaire.

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